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Victor Hugo, La légende des siècles, « La conscience » (1859)
Saint Thomas d'Aquin, Somme théologique, « Les lois injustes sont de deux sortes » (XIIIe s.)
Jean de Baulhoo, Livret de poésie de France, « L'Espérance » (2012)
Saint Thomas d'Aquin, Somme théologique, « Les lois injustes sont de deux sortes » (XIIIe s.)
Jean de Baulhoo, Livret de poésie de France, « L'Espérance » (2012)
Victor HUGO, La
légende des siècles, « La conscience » (1859)
Lorsque avec ses enfants
vêtus de peaux de bêtes,
Échevelé, livide au
milieu des tempêtes,
Caïn se fut enfui de
devant Jéhova,
Comme le soir tombait,
l'homme sombre arriva
5 Au bas d'une montagne en
une grande plaine ;
Sa femme fatiguée et ses
fils hors d'haleine
Lui dirent :
"Couchons-nous sur la terre et dormons."
Caïn, ne dormant pas,
songeait au pied des monts.
Ayant levé la tête, au
fond des cieux funèbres,
10 Il vit un œil, tout grand
ouvert dans les ténèbres
Et qui le regardait dans
l'ombre fixement.
"Je
suis trop près", dit-il avec un tremblement.
Il réveilla ses fils
dormant, sa femme lasse,
Et se remit à fuir
sinistre dans l'espace.
15 Il marcha trente jours, il
marcha trente nuits.
Il allait, muet, pâle et
frémissant aux bruits,
Furtif, sans regarder
derrière lui, sans trêve,
Sans repos, sans sommeil
; il atteignit la grève
Des mers dans le pays
qui fut depuis Assur.
20 "Arrêtons-nous, dit-il,
car cet asile est sûr.
Restons-y. Nous avons du
monde atteint les bornes."
Et, comme il s'asseyait,
il vit dans les cieux mornes
L'œil à la même place au
fond de l'horizon.
Alors il tressaillit en
proie au noir frisson.
25 "Cachez-moi !"
cria-t-il ; et, le doigt sur la bouche,
Tous ses fils
regardaient trembler l'aïeul farouche.
Caïn dit à Jabel, père
de ceux qui vont
Sous des tentes de poil
dans le désert profond :
"Étends de ce côté
la toile de la tente."
30 Et l'on développa la muraille
flottante ;
Et, quand on l'eut fixée
avec des poids de plomb :
"Vous
ne voyez plus rien?" dit Tsilla, l'enfant blond,
La fille de ses fils,
douce comme l'aurore ;
Et Caïn répondit
:"Je vois cet œil encore !"
35 Jubal, père de ceux qui
passent dans les bourgs
Soufflant dans des
clairons et frappant des tambours,
Cria : "Je saurai
bien construire une barrière."
Il fit un mur de bronze
et mit Caïn derrière.
Et Caïn dit : "Cet
œil me regarde toujours !"
40 Hénoch dit : "Il faut
faire une enceinte de tours
Si terrible que rien ne
puisse approcher d'elle.
Bâtissons une ville avec
sa citadelle.
Bâtissons une ville et
nous la fermerons."
Alors Tubalcaïn, père
des forgerons,
45 Construisit une ville énorme
et surhumaine.
Pendant qu'il
travaillait, ses frères, dans la plaine,
Chassaient les fils
d'Énos et les enfants de Seth ;
Et l'on crevait les yeux
à quiconque passait ;
Et, le soir, on lançait
des flèches aux étoiles.
50 Le granit remplaça la tente
aux murs de toile.
On lia chaque bloc avec
des nœuds de fer
Et la ville semblait une
ville d'enfer ;
L'ombre des tours
faisait la nuit dans les campagnes ;
Ils donnèrent aux murs
l'épaisseur des montagnes ;
55 Sur la porte on grava :
"Défense à Dieu d'entrer."
Quand ils eurent fini de
clore et de murer,
On mit l'aïeul au centre
en une tour de pierre ;
Et lui restait lugubre
et hagard. "O mon père !
L'œil a-t-il disparu
?" dit en tremblant Tsilla.
60 Et Caïn répondit : "Non,
il est toujours là."
Alors il dit : "Je
veux habiter sous la terre
Comme dans son sépulcre
un homme solitaire ;
Rien ne me verra plus,
je ne verrai plus rien."
On fit donc une fosse et
Caïn dit : "C'est bien !"
65 Puis il descendit seul sous
cette voûte sombre.
Quand il se fut assis
sur sa chaise dans l'ombre
Et qu'on eut sur son
front fermé le souterrain,
L'œil était dans la
tombe et regardait Caïn.
***************
Thomas d’Aquin,
Somme théologique, « Les lois injustes sont de deux sortes »
Les lois injustes sont de deux
sortes. Il y a d’abord celles qui sont contraires au bien commun. Elles sont
injustes, soit en raison de leur fin – par exemple, quand un chef impose à ses
subordonnés des lois onéreuses ou à sa gloire plus qu’au bien commun -, soit en
raison de leur auteur – par exemple quand un homme promulgue une loi qui excède
le pouvoir qu’il détient -, soit encore en raison de leur forme – lorsque les
charges destinés au bien commun sont inégalement réparties dans la communauté.
De pareilles lois sont des contraintes plus que des lois car, selon le mot de
saint Augustin au livre I du Libre arbitre, « on ne peut tenir pour loi une loi
qui n'est pas juste ». Par conséquent, de telles lois n’obligent pas en
conscience, sauf dans les cas où il importe d’éviter le scandale et le
désordre. Il faut alors sacrifier même
son droit [...].
Il y a ensuite les lois qui sont injustes parce que contraires au bien
divin, comme les lois des tyrans qui imposent l’idolâtrie et d’autres actes
contraires à la loi divine. Il ne faut en aucune manière observer de telles
lois, c’est en ce sens qu’il est dit dans les Actes des apôtres : « Il vaut
mieux obéir à Dieu qu’aux hommes. »
***************
L’ESPERANCE
Que des feuilles
mortes jonchant le sol
D’un songe
reverdies et envolées,
Que les voici
emportées par un vol
De colombes
comme brins d’olivier,
Que de les voir
belles qui caracolent
D’un nouvel
espoir jamais éprouvé,
Que les voilà
sans nul besoin de colle
De cent façons
aux branches assemblées,
Ainsi pourrait
se dire l’espérance,
Constante et
inépuisable rivière
Prenant sa
source au pays de l’enfance,
Ainsi
perdurerait lueur intense,
Constante
et perpétuelle lumière
Prenant au ciel
l’éternelle brillance.
Jean de Baulhoo
Livret de poésie
de France
La Nouvelle Pléiade, 2012
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