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La décadence d'une société commence quand l'homme se demande :
« Que va-t-il arriver ? » au lieu de se demander : « Que puis-je faire ? »
DENIS DE ROUGEMONT
À l'occasion de l'examen, en mars prochain, d'une guérison « inexplicable » attribuée du bienheureux Jerzy Popieluszko, martyr de la foi, nos deux premières veillées de l'année 2014 seront consacrées à l'aumônier du syndicat Solidarnosc, assassiné à 37 ans, le 19 octobre 1984, et au thème de la Vérité.
Jerzy Popieluszko, Sermons pour la patrie, « Pour demeurer libre dans l'âme, il faut vivre dans la vérité » (octobre 1982)
Karol Wojtyla, Quand je pense : Patrie (extraits) (1979)
Jerzy Popieluszko, Sermons pour la patrie, « L'Amour et la Vérité, on peut les crucifier, mais il est impossible de les tuer » (janvier-juin 1983)
« Hymne aux veilleurs » (2013)
« Pour
demeurer libre dans l’âme, il faut vivre dans la vérité »
Extraits d'une
homélie prononcée en octobre 1982 par le P. Jerzy Popieluszko.
Pour demeurer libre dans l’âme, il
faut vivre dans la vérité. Vivre dans la vérité, c’est donner la vérité des
témoignages, c’est la revendiquer et la reconnaître dans toute situation. La
vérité est immuable. On ne peut détruire la vérité par des décisions ou des
décrets. L’esclavage pour nous consiste justement en ceci : que nous nous
soumettions au règne du mensonge chaque jour. Nous ne protestons pas, nous nous
taisons, ou bien nous faisons semblant d’y croire. Alors, nous vivons dans le
mensonge. Le témoignage courageux de la vérité est un chemin qui mène
directement à la liberté. L’homme qui témoigne de la vérité est un homme libre
même dans des conditions extérieures d’esclavage, même dans un camp, dans une
prison. Le problème essentiel pour la libération de l’homme et de la Nation est
de surmonter la peur. Car la peur naît de la menace. Nous surmontons la peur,
lorsque nous acceptons la souffrance ou la perte de quelque chose au nom de
valeurs supérieures. Si la vérité devient pour nous une valeur pour laquelle
nous acceptons de souffrir, de prendre des risques, alors nous surmontons la
peur qui est la cause directe de notre esclavage.
« La peur est le plus grand
manquement de l’apôtre… Elle serre le cœur et rétrécit la gorge. Celui qui se
tait face aux ennemis de la bonne cause, les enhardit… Forcer au silence par la
peur, telle est la première tâche dans la stratégie impie… Le silence a son
sens apostolique uniquement quand je ne détourne pas mon visage devant ceux qui
me frappent… » (Cardinal Stephan Wyszynski)
Je voudrais répondre à tous ceux qui
souffrent en terre polonaise et je désire m’adresser d’ici aux autorités de la
République populaire de Pologne, pour que ces larmes cessent. La société
polonaise, ma nation, ne mérite pas d’être poussée aux larmes du désespoir et
de l’abattement. Oui, une nation qui a tellement souffert dans son passé
récent, ne mérite pas que beaucoup, parmi les meilleurs de ses fils et filles,
séjournent dans les camps et les prisons ; elle ne mérite pas que sa jeunesse
soit malmenée et battue, que le crime de Caïn soit commis. Elle ne mérite pas
qu’on la prive, contre sa volonté, du syndicat Solidarité.
***************
Quand je
pense : Patrie
« La liberté
faut-il toujours la conquérir, ne peut-on simplement la posséder ?
Elle nous vient
comme un don, mais se maintient par la lutte.
[…] La liberté,
tu la paies de toute ta personne. C’est pourquoi tu appelleras liberté
celle qui, alors
que tu la paies, te permet d’être toujours de nouveau en possession de
toi-même.
[…]
Quand je pense :
Patrie, je cherche la voie qui coupe les flancs de la montagne comme un courant
de haute tension sur les hauteurs.
Ainsi la patrie
court, abrupte, en chacun de nous, ne permettant nul arrêt. La voie parcourt
les mêmes versants, elle retourne vers les mêmes lieux, elle devient ce très
grand silence, qui visite soir après soir les poumons las de ma terre…
[…]
L’histoire étend
sur la lutte des consciences une couche d’événements.
Dans cette
couche, vibrent victoires et défaites.
L’histoire ne
les recouvre pas, elle les fait même ressortir
[…]
Faible est le
peuple s’il accepte sa défaite,
quand il oublie
qu’il reçut la mission de veiller
jusqu’à ce que
vienne son heure.
Car, sur
l’immense cadran de l’histoire, les heures viennent toujours.
Voici la
liturgie de l’histoire. La veille est parole du Seigneur et parole du Peuple,
que nous
accueillons toujours à nouveau.
Les heures
deviennent psaume de conversion à n’en pas finir :
nous sommes en
marche pour prendre part à l’Eucharistie des mondes.
Terre, nous
descendons vers toi, pour te dilater en tout homme – terre de nos défaites et
de nos victoires, qui monte dans tous les cœurs en un mystère pascal.
Ô Terre, qui ne
cesses d’être une parcelle de notre temps.
Ayant appris la
nouvelle espérance, nous allons traversant ce temps en quête d’une terre
nouvelle. Et toi, nous t’élèverons, terre antique,
comme fruit de
l’amour des générations,
amour qui a
vaincu la haine. »
Karol Wojtyla, Quand
je pense : Patrie (1979)
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« L’Amour
et la Vérité, on peut les crucifier,
mais il
est impossible de les tuer »
Extraits
d'homélies prononcées entre janvier et juin 1983 par le P. Jerzy Popieluszko.
« Une nation possédant une tradition
chrétienne millénaire, aspirera toujours à la pleine liberté. Car il est
impossible de combattre cette aspiration par la contrainte, puisque la
contrainte est la force de celui qui ne possède pas la vérité. Il est possible
de plier l’homme par la contrainte, mais non pas de le rendre esclave. Un
Polonais qui aime Dieu et la Patrie se relèvera de toute humiliation, car il ne
s’agenouille que devant Dieu. »
« Des femmes emprisonnées à Fordon
écrivent : « Nous voulons la liberté, mais pas à tout prix. Pas au prix du
renoncement à notre idéal, pas aux prix de la trahison envers nous-mêmes et
ceux qui nous font confiance… »
« L’Amour et la Vérité, on peut les
crucifier, mais il est impossible de les tuer. Là-bas, sur la Croix, la Vérité
et l’Amour ont triomphé du mal, de la haine, de la mort. La Nation veut que la
concorde ne soit pas une capitulation, un renoncement aux idéaux, aux
aspirations. »
« Prions pour
ceux qui se vendent au service du mensonge, de l’injustice, de la contrainte :
qu’ils comprennent leur humiliation ! »
« Là où il y a l’injustice, là où il
y a la contrainte, le mensonge, la haine, le non-respect de la dignité humaine,
là font défaut l’amour, le cœur, le désintéressement, le renoncement. Or sans
ces valeurs, ne l’oublions pas, il est difficile de donner au travail son vrai
sens, il est difficile de sortir le pays d’une crise. Mais l’amour doit aller
de pair avec le courage. »
(Et de se citer
le Cardinal Wyszinsky) : « Malheur à la société
dont les citoyens ne se conduisent pas avec courage ! Ils cessent alors d’être
citoyens pour devenir de simples esclaves ! C’est le courage qui transforme les
gens en citoyens, car l’homme courageux est conscient de ses droits dans la
société et des devoirs qui lui incombent. Si le citoyen renonce au courage, il
se nuit à lui-même, il nuit à sa personnalité humaine, à sa famille, à son
groupe professionnel, à sa Nation, à l’État et à l’Église, même s’il est
manipulé par peur et frayeur, pour le pain et d’autres avantages. Malheur aux
gouvernants qui veulent conquérir le citoyen au prix de la peur et de la
frayeur de l’esclave. Alors ce ne sont plus des hommes qu’ils gouvernent, mais,
excusez le mot, des choses. »
« Longtemps résonneront dans nos
oreilles les paroles du Saint Père à Cracovie : « Vous devez être forts de la force de la foi.
Vous devez être forts de la force de l’espoir, vous devez être forts de la
force de l’amour, de l’amour qui supporte tout… La Nation en tant que
communauté humaine est appelée à la victoire, à la victoire par la force de la
foi, de l’espoir, de l’amour, par la force de la vérité, de la liberté, de la
justice. »
***************
Hymne aux
veilleurs
Il y eut un souffle puis un
feu vacillant,
Il y eut un cri noir puis
une nuit sans étoiles,
Il y eut un pouvoir puis des
cœurs que l’on voile,
Et l’injustice revint
vieille de mille ans.
Dans cette tempête l’homme
impuissant se tait,
Se laissant bercer, las,
dans les flots mensongers.
Et la flamme fragile au
milieu des dangers,
Disparaît sans un bruit dans
les âmes fouettées.
Combien de temps encor
serons nous ignorés ?
Combien faut-il de braises
pour être brasier ?
Que fait la justice pour les
corps suppliciés ?
Et toi, où t’endors-tu,
Vérité adorée ?
C’est alors qu’il survient,
debout, raide et sublime,
Le regard vers les cieux,
cherchant l’ultime braise,
Ce Prométhée nouveau du haut
de sa falaise
Devient humble veilleur,
éclairant les abîmes.
Et c’est ainsi, France, que
tes villes renaissent
Derrière le guide qui jamais
ne s’enfuit,
Et c’est ainsi, Monde, que
ta haine s’enfouit
Grâce au veilleur d’amour
qui jamais ne délaisse.
Un fleuve lumineux s’est
remis à couler,
Et sur ses rives d’or les
hommes se relèvent,
Veilleurs, Veilleuses, un
grand vent vient et se lève,
Il porte avec lui le parfum
des révoltés.
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