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Il faut que les principes d'une politique soient faits de justice et de vérité.
DÉMOSTHÈNE
À
l'occasion de l'examen d'une guérison « inexplicable
» attribuée du bienheureux Jerzy Popieluszko, martyr de la foi, nos
deux premières veillées de l'année 2014 sont consacrées à l'aumônier
du syndicat Solidarnosc, assassiné à 37 ans, le 19 octobre 1984, et au
thème de la Vérité.
Jerzy Popieluszko,
Sermons pour la patrie, « L'Amour et la Vérité » (mai 1984)
Karol Wojtyla,
Profils du Cyrénéen, L'ouvrier d'une usine d'armements (1978)
Jerzy Popieluszko,
Sermons pour la patrie, « Éducation et Vérité » (1984)
Charles Baudelaire,
Les Fleurs du Mal, Brumes et pluies (1857)
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« L’Amour
et la Vérité »
Extraits d'une
homélie prononcée en mai 1984 par le P. Jerzy Popieluszko.
« La vérité est toujours liée à
l’amour et l’amour est exigeant, l’amour véritable requiert des sacrifices,
aussi la vérité, elle aussi, doit-elle coûter. La vérité qui ne coûte rien est
un mensonge. Vivre dans la vérité, c’est être en accord avec sa conscience. La
vérité unit et relie les gens. La grandeur de la vérité effraie et démasque les
mensonges des médiocres et des peureux. La lutte ininterrompue pour la vérité
dure depuis des siècles. La vérité est pourtant immortelle, et le mensonge
périt d’une mort rapide. Écoutons le Cardinal Wyszynski : il suffit de peu de
gens parlant en vérité. Christ en a choisi un petit nombre pour proclamer sa
vérité. Seuls les mots mensongers doivent être nombreux car le mot mensonge
est détaillé et se monnaie : il se
débite comme la marchandise sur les rayons, il doit être constamment renouvelé,
il doit avoir de multiples serviteurs, qui, selon un programme, l’apprendront
pour aujourd’hui, pour demain, pour un mois. Pour maîtriser la technique du
mensonge ainsi programmé, il faut des hommes en quantité. Il suffit de
quelques-uns pour proclamer la vérité.
Il suffit d’un petit groupe de gens qui luttent pour la vérité pour
rayonner. La condition essentielle de la libération de l’homme, pour lui
permettre de vivre en vérité, est d’acquérir la vertu du courage. La lutte pour
la vérité est le symbole du courage chrétien. La vertu de courage est une
victoire sur la faiblesse humaine, victoire sur la peur et la crainte. Car la
seule chose dont il convient d’avoir peur dans la vie est la trahison du Christ
pour quelques deniers de calme éphémère. Ce n’est pas facile aujourd’hui,
lorsque d’office, durant les dernières décennies, sur le sol natal on a semé
les graines du mensonge et de l’athéisme, on a semé les graines du laïcisme ;
cette vue du monde est un produit caricatural du capitalisme et de la
franc-maçonnerie du dix-neuvième siècle. On les a semées dans un pays, qui
depuis plus de mille ans est solidement ancré dans le christianisme. On ne peut
tromper la vie, tout comme on ne peut tromper la terre. « Malheur à la société dont les citoyens ne
sont pas guidés par le courage ! Ils cessent alors d’être des citoyens, pour
devenir de simples esclaves. Si le citoyen renonce à la vertu du courage, il
devient esclave et se cause le plus grand des torts, à lui-même, à sa personne,
mais aussi à sa famille, à son groupe professionnel, à la Nation, à l’État et à
l’Église, même si la peur et la crainte lui font facilement obtenir du pain et
des avantages… »
« Prenons conscience que la Nation
dépérit lorsqu’elle manque de courage, lorsqu’elle se ment à elle-même en
disant que tout va bien, quand tout va mal, lorsqu’elle se contente de demi-vérités.
Soyons conscients qu’en exigeant la vérité nous devons nous-mêmes vivre en
vérité ; que cette conscience nous accompagne chaque jour. En exigeant la
justice, soyons justes envers nos proches. En exigeant le courage, soyons
chaque jour courageux. »
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L’ouvrier
d’une usine d’armements
En 1978, Karol
Wojtyla, évêque de Cracovie, publie le poème Profils
du Cyrénéen. Cette œuvre qui remonte à 1957 est inspirée de la figure de
Simon de Cyrène qui dans l’Évangile aida le Christ à porter sa croix : « Et ils
forcèrent un certain Simon, Cyrénéen, qui passait par là venant de la campagne
à porter sa croix » (Mc 15, 21). Dans ce poème, K. Wojtyla évoque tous ces
nouveaux Simon qui portent leur croix aujourd’hui, leur croix de mélancolique, de
schizophrène, d’aveugles, d’acteur, de fille déçue en amour, d’ouvrier d’une
usine d’automobile, d’ouvrier d’une usine d’armements :
Je ne pèse pas sur le sort du globe,
est-ce que je déclenche les guerres ?
pour ou contre Toi _ est-ce que je sais ?
je ne commets pas de péché.
Pourtant ça me ronge de ne pas peser,
de ne pas pécher.
Je tourne des écrous, je façonne
des fragments de mort,
je ne saisis jamais l’ensemble
du destin de tous.
J’aurais pu concevoir un ensemble autre
(sans ses petits fragments ?),
tous les hommes y seraient sacrés,
préservés d’être détruits par leurs propres actes,
préservés d’être déformés par le mensonge.
Si le monde que j’ouvrage n’est pas bon,
le mal dans ce monde n’est certes pas de mon fait.
Mais cela suffit-il ?
Karol Wojtyla, Profils du Cyrénéen, L’ouvrier d’une
usine d’armements (1978)
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«
Éducation et Vérité »
Extraits
d'homélies prononcées en 1984 par le P. Jerzy Popieluszko.
« Seule une Nation libre
spirituellement et amoureuse de la vérité peut durer et créer pour l’avenir.
Seule une nation saine d’esprit et consciente peut courageusement créer son
avenir. On conquiert les gens le cœur ouvert et non les poings fermés. La vraie
sagesse, la vraie connaissance, la vraie culture ne peuvent être enchaînées. Il
n’est pas possible d’enchaîner les esprits humains. Garder sa dignité d’homme,
c’est demeurer intérieurement libre même dans l’esclavage extérieur. Rester
soi-même dans toutes les situations de la vie. C’est demeurer dans la vérité,
même si cela devait nous coûter cher. Car dire la vérité coûte cher. Seule
l’ivraie est de vil prix. Il faut payer pour le grain de la vérité. Toute
chose, toute grande cause doit coûter et doit être difficile. Il n’y a que les
choses petites et médiocres qui sont faciles. Déjà le poète Novalis disait :
“L’homme s’appuie sur la vérité. S’il trahit la vérité, il se trahit. Celui qui
trahit la vérité, se trahit lui-même.” Le mensonge avilit la dignité humaine et
est l’apanage des esclaves, des pusillanimes. »
« Nous sommes des enfants de la
Nation qui, depuis plus de mille ans, chante la gloire du Dieu Unique dans la
Trinité. C’est pourquoi, dans l’éducation actuelle, on ne peut se couper de ce
qui a constitué la Pologne au cours de mille années. On ne doit ni le rayer, ni
le déformer. Dans son travail, l’école devrait dépendre des parents. L’école ne
doit pas détruire dans les âmes enfantines les valeurs qui y ont été inculquées
par la famille. Le pouvoir ne doit pas imposer sa religion, ni sa conception de
la vie. Il ne doit pas dicter ce que doivent et ne doivent pas croire les
citoyens. Car n’est-ce pas imposer la religion athée et manquer de tolérance
que de refuser une presse catholique dans un pays catholique où prolifère une
presse laïque ?
L’une des causes de nos malheurs
contemporains, matériels et moraux, est que l’on a refusé obstinément la place
au Christ, notamment à l’école et au travail, dans l’éducation des enfants et
des jeunes. On a menacé de sanctions pénales les enseignants qui facilitaient
aux enfants la participation au catéchisme. Car celui qui brade sa foi et ses
idéaux est prêt à sacrifier un homme. Nous devons faire tout notre possible
pour ne pas laisser fermer la bouche ni aux enfants, ni aux jeunes, ni à la
Nation. »
« La justice interdit de détruire
dans les âmes des enfants et des jeunes, les valeurs chrétiennes apprises par
les parents, valeurs qui se sont vérifiées tout au long de notre Histoire
millénaire. Rendre la justice et réclamer la justice est le devoir de tous ;
déjà Platon disait : « Quand la justice se tait, les temps sont mauvais. » La
justice envers soi-même oblige à filtrer honnêtement à travers sa propre raison
et sa propre observation toute cette avalanche de mots propulsés par la «
machine de la propagande ».
(Et se tournant vers les jeunes) : « Mes chers jeunes amis, vous devez avoir en vous un cœur d’aigle et
un regard d’aigle. Vous devez tremper votre âme et l’élever très haut, pour
pouvoir tels les aigles survoler toute la volaille, en marche vers l’avenir de
notre Patrie. Ce n’est qu’en ressemblant à des aigles que vous pourrez
affronter les vents, les orages, et les tempêtes de l’Histoire, sans vous
laisser mener à l’esclavage. Souvenez-vous-en ! Les aigles sont des oiseaux
libres car ils volent haut dans le ciel et ne se vautrent pas à terre. » « Les
années qui ont suivi la deuxième guerre mondiale ne sont qu’une suite de luttes
pour le monopole de l’éducation athée, de l’éducation sans Dieu, de
l’extirpation de Dieu du cœur des enfants et des jeunes. Pour son travail,
l’école éducatrice devrait dépendre des parents, car les enfants appartiennent
aux parents. Ce n’est pas l’État, mais les mères qui mettent au monde les
enfants. Pour cette raison, l’école ne doit pas détruire dans l’âme des enfants
les valeurs que la famille leur enseigne. L’enseignant doit être pour l’élève
un ami qui dit la vérité. »
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Charles Baudelaire (1821-1867).
Recueil : Les fleurs du mal (1857).
Brumes et pluies.
Ô fins d'automne, hivers, printemps trempés de boue,
Endormeuses saisons ! je vous aime et vous loue
D'envelopper ainsi mon cœur et mon cerveau
D'un linceul vaporeux et d'un vague tombeau.
Dans cette grande plaine où l'autan froid se joue,
Où par les longues nuits la girouette s'enroue,
Mon âme mieux qu'au temps du tiède renouveau
Ouvrira largement ses ailes de corbeau.
Rien n'est plus doux au cœur plein de choses funèbres,
Et sur qui dès longtemps descendent les frimas,
Ô blafardes saisons, reines de nos climats,
Que l'aspect permanent de vos pâles ténèbres,
- Si ce n'est, par un soir sans lune, deux à deux,
D'endormir la douleur sur un lit hasardeux.