André Chouraqui,
Retour aux racines, Entretiens avec Jacques Deschanel, 1981
- Effectivement,
vous êtes, je dirais, tellement monothéiste qu'on a l'impression que vous êtes
également à l'aise pour prier dans une synagogue, pour prier dans une église ou
pour prier dans une mosquée. Je me souviens de vous avoir accompagné à l'office
chez les religieuses dominicaines de Tréviers, j'ai été extrêmement surpris de
l'attention profonde qui était la vôtre.
- La chose
mérite d'être soulignée, parce que, pendant des décennies, pendant des
centenaires, mes ancêtres étaient mis dans le ghetto par des sociétés, soit
chrétiennes soit islamiques, qui du même coup se cloisonnaient et du même coup
créaient, quant à elles-mêmes, un ghetto. Mais je pense réellement que, si nous
adorons un Dieu infini, tel que nous prétendons le faire, nous devons d'abord
échapper à tout cloisonnement, qu'il soit sociologique, religieux ou national,
afin de retrouver nos authenticités propres, et l'authenticité propre du visage
de Dieu, des « faces d'Elohim ». Lorsque je mets un écran entre Dieu et moi,
quel que soit cet écran, je suis déjà ce que les théologiens juifs du Moyen Âge
appelaient un idolâtre, un adorateur d'idoles. Aimer Dieu, c'est l'asymptote
qui doit me conduire en dehors de tout cadre de pensée, de tout cadre créé, aux
sources mêmes de l'être. En dehors de cela, on reste prisonnier du mental et
asservi à ses limites.
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