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« Il ne faut jamais capituler. »
CHARLES PÉGUY
Frédéric Guillaud, « Le nouvel ordre mondial » (avril 2015)
Marie Jenna, « L'enfant et l'oiseau » (1896, posth.)
Charles-Henri d'Andigné, « La famille, îlot de résistance » (23 mars 2015)
Hymne aux
veilleurs
Il y eut un souffle puis un
feu vacillant,
Il y eut un cri noir puis
une nuit sans étoiles,
Il y eut un pouvoir puis des
cœurs que l’on voile,
Et l’injustice revint
vieille de mille ans.
Dans cette tempête l’homme
impuissant se tait,
Se laissant bercer, las,
dans les flots mensongers.
Et la flamme, fragile au
milieu des dangers,
Disparaît sans un bruit dans
les âmes fouettées.
Combien de temps encor
serons nous ignorés ?
Combien faut-il de braises
pour être brasier ?
Que fait la justice pour les
corps suppliciés ?
Et toi, où t’endors-tu,
Vérité adorée ?
C’est alors qu’il survient,
debout, raide et sublime,
Le regard vers les cieux,
cherchant l’ultime braise,
Ce Prométhée nouveau du haut
de sa falaise
Devient humble veilleur,
éclairant les abîmes.
Et c’est ainsi, France, que
tes villes renaissent
Derrière le guide qui jamais
ne s’enfuit,
Et c’est ainsi, Monde, que
ta haine s’enfouit
Grâce au veilleur d’amour
qui jamais ne délaisse.
Un fleuve lumineux s’est
remis à couler,
Et sur ses rives d’or les
hommes se relèvent,
Veilleurs, Veilleuses, un
grand vent vient et se lève,
Il porte avec
lui le parfum des révoltés.
***************
« Le nouvel ordre mondial »
Tribune parue
dans Valeurs actuelles du 16 avril 2015.
Frédéric
Guillaud est essayiste. Dernier ouvrage paru : Dieu existe (Cerf, 2013).
On connaissait les agences
matrimoniales. Il faut compter désormais avec les agences antimatrimoniales qui
font — par voie d’affiches — la promotion commerciale de l’adultère. Si vous
protestez contre cette incitation publique à la destruction des familles, on
vous répondra que, l’adultère n’étant plus un délit pénal depuis 1975, votre
contestation n’a aucune valeur, puisqu’elle ne relève pas du droit mais de la
morale. “Morale”… le mot est lâché. Et il vaut condamnation. Il va en effet de
soi, selon l’idéologie dominante, que la morale n’a pas droit de cité. C’est ce
que les philosophes nomment pompeusement la “neutralité axiologique” du régime
moderne. Ou encore sa “laïcité morale”.
Être laïque, à les en croire, ce n’est plus
seulement mettre entre parenthèses toute conviction religieuse, c’est suspendre
aussi toute prise de position sur le bien et le mal. Dans ce contexte, tout
contrevenant est traité comme un paternaliste, un réactionnaire, un partisan de
l’“ordre moral”, autrement dit comme un danger public. Mais les choses ne sont
pas si simples. Car, dans le même temps, les mille bouches de la parole
publique ne cessent de nous faire la leçon, de nous tancer, de nous menacer,
sur le ton qu’avaient jadis les chaisières et les pères-la-pudeur. Les listes
s’allongent de ce qu’il ne faut pas faire, pas dire, pas même laisser entendre.
La vérité est qu’il existe un
nouvel ordre moral, qui consiste en l’inversion systématique de l’ordre moral
dont on évoque si souvent l’improbable retour. Soyons directs : depuis deux
cents ans, les dix commandements ont été méthodiquement démantelés. Au nom de
quoi ? Au nom des nouvelles tables de la loi, qui ne comprennent qu’un article
: vous êtes comme des dieux. C’est la phrase du serpent dans la Genèse. L’ordre
nouveau part en effet du principe que l’homme n’a pas de nature, pas de fins
spécifiques, qu’il est une pure liberté autocréatrice. La seule valeur morale,
dans un tel système, est donc le respect pour les caprices du désir. Et le seul
crime, le refus de s’incliner devant ce relativisme radical. Quant à la
politique, elle se trouve réduite à l’arrangement de procédures juridiques de
plus en plus tarabiscotées pour faire tenir ensemble ce chaos de pulsions
contradictoires.
Évidemment, le problème de ces nouvelles
tables de la loi, c’est qu’elles conduisent au malheur. Pourquoi ? Parce
qu’elles sont fondées sur un gros mensonge. L’homme n’est pas Dieu. L’homme
n’est pas autocréateur. L’homme a une nature, qui définit les conditions de son
épanouissement véritable. Au contact de nos pulsions désordonnées, ces
conditions prennent la figure de normes contraignantes, mais elles ne sont rien
d’autre que la clé du bonheur. De même qu’il est désagréable d’arrêter de
fumer, il est difficile de cesser une mauvaise conduite, mais on finit toujours
par s’en féliciter.
Une société ne peut pas
impunément faire comme si la nature humaine n’existait pas. Car la nature
demeure, et se venge. Tout le monde sait, par exemple, que le divorce est un
fléau social, moral et psychologique. En particulier pour les enfants. Sur ce
point comme sur tant d’autres, la science et l’expérience confirment la sagesse
des nations. Il est donc insensé pour un corps social de faire ouvertement la
promotion de comportements qui, statistiquement, risquent de conduire au
divorce. Pour le penser, il n’est pas nécessaire d’être un saint sur ce
chapitre ni de vouloir lapider l’adultère. Qui jetterait la première pierre ?
Il suffit de savoir que la chair est faible et de réfléchir au bien commun.
C’est pourquoi, sans jouer les
bégueules ni vouloir percer le secret des alcôves, on a bien raison de
contester la promotion publique et commerciale de l’adultère. Le cœur a ses
passions, ses aventures, ses intermittences. À tout péché miséricorde — et le
secret par-dessus. Mais la société a des droits. Il faut les défendre.
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Marie Jenna, «
L’enfant et l’oiseau »
Marie Jenna est
le nom de plume de la poétesse mystique Céline-Marie Renard (1834-1887), native
de Bourbonne-les-Bains.
Petit oiseau, je
t’écoute,
Ils sont jolis,
tes refrains !
Viens te poser
sur ma route.
Quoi ! je
t’aime... et tu me crains !
Mais vois ! je
n’ai point de cage...
Joyeux, je te
donnerais
Un baiser sur
ton plumage
Et puis... tu
t’envolerais !
Viens donc pour
que je sourie.
Le pauvre n’a
d’autre jeu
Que les fleurs
de la prairie
Et les oiseaux
du bon Dieu.
Ne veux-tu pas
qu’on t’embrasse ?
Moi, je me sens
si joyeux
Lorsqu’une dame
qui passe
Met ses doigts
sur mes cheveux !
Ô mauvais cœurs
qui sont cause,
Tant leurs
desseins sont méchants !
Qu’aucun oiseau
ne se pose
Auprès des
petits enfants !
Un quart
d’heure, un instant même,
Si dans ma main
je t’avais,
Tu sentirais que
je t’aime,
Et demain tu
reviendrais.
S’élancer dans
la lumière,
Au champ
cueillir son repas,
Vivre sans
toucher la terre,
Oh ! quel
bonheur n’est-ce pas ?
Pour moi, si
j’avais une aile,
Je saurais bien
où voler.
Ma mère est aux
cieux... près d’elle
Je voudrais tant
m’en aller !
Tu gazouilles
dès l’aurore.
Tu ne pleures
jamais, toi !
Si ta mère vit
encore,
Tu n’as pas
besoin de moi.
Ah ! que je
vais, petit frère,
Adorer d’un cœur
pieux
Le Seigneur qui
sait te faire
Si leste et si
gracieux.
Mais sans
m’entendre, il me quitte,
Et s’en va bien
loin d’ici ;
Ô mon Dieu, que
j’irais vite
À qui m’aimerait
ainsi !
Recueilli dans Lecture
à haute voix, par M. V. Delahaye, Beauchemin, 1896.
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La famille, îlot
de résistance (FC n°
1941 du 28 mars 2015)
Individualisme
forcené, égalitarisme, transhumanisme : le meilleur des mondes est en route…
sauf si les familles se mettent en travers de tous ces « ismes ».
« Nous allons inexorablement
vers une humanité unisexe, sinon qu’une moitié aura des ovocytes et l’autre des
spermatozoïdes, qu’ils mettront en commun pour faire naître des enfants, seuls
ou à plusieurs, sans relation physique, et sans même que nul ne les porte. Sans
même que nul ne les conçoive si on se laisse aller au vertige du clonage. » Le songe d’Attali, puisque ces lignes sont de lui
(1), va-t-il devenir réalité ? Cette interrogation est au cœur du livre d’Éric
Letty et Guillaume de Prémare (2). Le journaliste et l’ancien président de La
Manif pour tous (2012-2013) ont uni leur plume et leur talent pour analyser le « meilleur
des mondes », pour reprendre l’expression d’Aldous Huxley, que certains
pensent inéluctable.
Ce meilleur des mondes est
une utopie qui se veut souriante, tolérante, qui annonce bonheur, sécurité, et
même immortalité. Elle exalte l’individu, qui se forge lui-même car il n’est
rattaché à rien, ni tradition, ni famille, ni nation. L’homme du nouveau monde
est libre de toute attache, de tout lien, de tout devoir, de tout engagement.
On voit apparaître ces thèmes dans la littérature onusienne, par exemple le
projet de Charte de la Terre.
Les auteurs citent Mgr Schooyans : « Nous
sommes en train de vivre une révolution anthropologique : l’homme n’est plus
une personne, un être ouvert à autrui et à la transcendance ; il est un individu,
voué à se choisir des vérités, à se choisir une éthique ; il est une unité de
force, d’intérêt et de jouissance ». Ce point est fondamental, car si
l’homme est réduit à ses propres forces et qu’il n’est plus protégé par rien,
il est le jouet de forces qui le dépassent : l’État ou le consumérisme de
masse. Il n’a plus rien à opposer aux pressions de son entourage et aux folies
idéologiques du moment.
La nouvelle utopie exalte
aussi l’égalité, sous la forme d’une négation acharnée des différences. Notamment
dans la théorie du genre, dernier avatar de la lutte des sexes décrite par
Engels au XIXe siècle. Celle-ci est en effet un simple décalque de la lutte des
classes : « Dans la famille, écrivait le compagnon de Marx, l’homme
est le bourgeois ; la femme joue le rôle du Prolétariat ». On retrouvera
cette antienne dans la littérature féministe : l’homme exploite la femme comme
le patron exploite l’ouvrier. La réponse des théoriciens du genre sera de
rendre l’homme et la femme interchangeables. Ainsi on évitera toute
« exploitation ». Et comme si tout cela ne suffisait pas, il y a les délires
transhumanistes, autrement dit le rêve d’augmenter les capacités
intellectuelles et physiques de l’homme, via les technologies informatiques ou
cellulaires, et pourquoi pas, de vaincre la mort !
Toutes ces évolutions,
certes, menacent l’homme dans son essence. Mais elles peuvent aussi, estiment
les auteurs, être une opportunité : « Il semble de nouveau possible
d’affirmer la valeur positive des repères, de l’identité et des normes
structurantes ».
Ces repères, tout le monde
en est demandeur. C’est là qu’intervient la famille, qui pourra, si elle est
fidèle à elle-même, être un des meilleurs môles de résistance au rouleau
compresseur postmoderne. C’est en effet en son sein que se nouent trois types
de liens essentiels : conjugal, filial et fraternel ; c’est là que se
transmettent la foi et les valeurs chrétiennes ; c’est là où « s’articulent
la différence des sexes et la différence des générations ». Bref, c’est
dans les familles, et nulle part ailleurs, que l’on fabrique l’homme de demain.
Le meilleur des mondes n’est pas une fatalité…
Charles-Henri d'Andigné (23
mars 2015)
(1) J. Attali, Vers l'humanité unisexe (article
paru le 29 janvier 2013).
(2) Eric Letty et Guillaume de Prémare, Résistance
au meilleur des mondes, Éd. Pierre-Guillaume de Roux, 213 pages.
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