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Éloge funèbre du Commandant Hélie Denoix de Saint Marc (extraits)
« Mon expérience des veilleurs » par Emmanuel, veilleur
« Mon expérience des veilleurs » par Emmanuel, veilleur
Michel Menu, « Marcher devant »
Éloge funèbre
du
Commandant Hélie
Denoix de Saint-Marc,
prononcé par le
général d’armée (2S) Bruno DARY,
Président de
l’Association
des anciens légionnaires parachutistes (AALP)
le vendredi 30
août 2013 à Lyon.
(texte intégral)
Mon commandant,
mon ancien,
Ils sont là, ils
sont tous présents, qu’ils soient vivants ou disparus, oubliés de l’histoire ou
célèbres, croyants, agnostiques ou incroyants, souffrant ou en pleine santé,
jeunes soldats ou anciens combattants, civils ou militaires, ils sont tous
présents, si ce n’est pas avec leur corps, c’est par leur cœur ou par leur âme
! Tous ceux qui, un jour, ont croisé votre chemin, ou ont fait avec vous une
partie de votre route ou plutôt de votre incroyable destinée, sont regroupés
autour de vous : les lycéens de Bordeaux, les résistants du réseau Jade-Amicol,
les déportés du camp de Langenstein, vos frères d’armes, vos légionnaires que
vous avez menés au combat, ceux qui sont morts dans l’anonymat de la jungle ou
l’indifférence du pays, les enfants de Talung que vous avez dû laisser derrière
vous, les harkis abandonnés puis livrés aux mains du FLN ! Je n’oublie pas vos
parents et votre famille, qui ont partagé vos joies et vos épreuves ; il faut
ajouter à cette longue liste, les jeunes générations, qui n’ont connu ni la Guerre
de 40, ni l’Indochine, pas plus que l’Algérie, mais qui ont dévoré vos livres,
qui vous ont écouté et que vous avez marqués profondément ! Cette liste ne
serait pas complète, si n’était pas évoquée la longue cohorte des prisonniers,
des déchus, des petits et des sans-grades, les inconnus de l’histoire et des
médias, ceux que vous avez croisés, écoutés, respectés, défendus, compris et
aimés et dont vous avez été l’avocat. Eux tous s’adressent à vous aujourd’hui,
à travers ces quelques mots et, comme nous en étions convenus la dernière fois
que nous nous sommes vus et embrassés chez vous, je ne servirai que
d’interprète, à la fois fidèle, concis et surtout sobre.
Aujourd’hui,
Hélie, notre compagnon fidèle, c’est vous qui nous quittez, emportant avec vous
vos souvenirs et surtout vos interrogations et vos mystères ; vous laissez
chacun de nous, à la fois heureux et fier de vous avoir rencontré, mais triste
et orphelin de devoir vous quitter. Vous laissez surtout chacun de nous, seul
face à sa conscience et face aux interrogations lancinantes et fondamentales
qui ont hanté votre vie, comme elles hantent la vie de tout honnête homme, qui
se veut à la fois homme d’action et de réflexion, et qui cherche inlassablement
à donner un sens à son geste !
Parmi tous ces
mystères, l’un d’eux ne vous a jamais quitté. Il a même scandé votre vie !
C’est celui de la vie et de la mort. Car qui d’autres mieux que vous, aurait pu
dire, écrire, prédire ou reprendre à son compte ce poème d’Alan Seeger, cet
Américain, à la fois légionnaire et poète, disparu à 20 ans dans la tourmente
de 1916 : « j’ai rendez-vous avec la mort » ?
C’est à 10 ans
que vous avez votre premier rendez-vous avec la mort, quand gravement malade,
votre maman veille sur vous, nuit et jour ; de cette épreuve, vous vous
souviendrez d’elle, tricotant au pied de votre lit et vous disant : « Tu vois
Hélie, la vie est ainsi faite comme un tricot : il faut toujours avoir le
courage de mettre un pied devant l’autre, de toujours recommencer, de ne jamais
s’arrêter, de ne jamais rien lâcher ! » Cette leçon d’humanité vous servira et
vous sauvera quelques années plus tard en camp de concentration. Votre père,
cet homme juste, droit et indépendant, qui mettait un point d’honneur durant la
guerre, à saluer poliment les passants, marqués de l’étoile jaune, participera
aussi à votre éducation ; il vous dira notamment de ne jamais accrocher votre
idéal, votre ‘‘étoile personnelle’’ à un homme, aussi grand fût-il ! De
l’époque de votre jeunesse, vous garderez des principes stricts et
respectables, que les aléas de la vie ne vont pourtant pas ménager ; c’est bien
là votre premier mystère d’une éducation rigoureuse, fondée sur des règles
claires, simples et intangibles, que la vie va vous apprendre à relativiser,
dès lors qu’elles sont confrontées à la réalité !
Puis, à 20 ans,
vous aurez votre deuxième rendez-vous avec la mort ! Mais cette fois-ci, vêtu
d’un méchant pyjama rayé, dans le camp de Langenstein. Deux ans de déportation
mineront votre santé et votre survie se jouera à quelques jours près, grâce à
la libération du camp par les Américains. Mais votre survie se jouera aussi par
l’aide fraternelle d’un infirmier français qui volait des médicaments pour vous
sauver d’une pneumonie, puis celle d’un mineur letton, qui vous avait pris en
affection et qui chapardait de la nourriture pour survivre et vous aider à
supporter des conditions de vie et de travail inhumaines. En revanche, vous
refuserez toujours de participer à toute forme d’emploi administratif dans la
vie ou l’encadrement du camp d’internement, ce qui vous aurait mis à l’abri du
dénuement dans lequel vous avez vécu. Vous y connaîtrez aussi la fraternité
avec ses différentes facettes : d’un côté, celle du compagnon qui partage un
quignon de pain en dépit de l’extrême pénurie, du camarade qui se charge d’une
partie de votre travail malgré la fatigue, mais de l’autre, les rivalités entre
les petites fraternités qui se créaient, les cercles, les réseaux d’influence,
les mouvements politiques ou les nationalités…. Mystère, ou plutôt misère, de
l’homme confronté à un palier de souffrances tel qu’il ne s’appartient plus ou
qu’il perd ses références intellectuelles, humaines et morales !
Vous avez encore
eu rendez-vous avec la mort à 30 ans, cette fois, à l’autre bout du monde, en Indochine.
Vous étiez de ces lieutenants et de ces capitaines, pour lesquels de Lattre
s’était engagé jusqu’à l’extrême limite de ses forces, comme sentinelles
avancées du monde libre face à l’avancée de la menace communiste. D’abord à
Talung, petit village à la frontière de Chine, dont vous avez gardé pieusement
une photo aérienne dans votre bureau de Lyon. Si les combats que vous y avez
mené n’eurent pas de dimension stratégique, ils vous marquèrent profondément et
définitivement par leur fin tragique : contraint d’abandonner la Haute région,
vous avez dû le faire à Talung, sans préavis, ni ménagement ; ainsi, vous et
vos légionnaires, quittèrent les villageois, en fermant les yeux de douleur et
de honte ! Cette interrogation, de l’ordre que l’on exécute en désaccord avec
sa conscience, vous hantera longtemps, pour ne pas dire toujours ! Plus tard, à
la tête de votre Compagnie du 2ème Bataillon étranger de parachutistes, vous avez
conduit de durs et longs combats sous les ordres d’un chef d’exception, le chef
d’escadron RAFFALLI : Nhia Lo, la Rivière Noire, Hoa Binh, Nassan, la Plaine
des Jarres. Au cours de ces combats, à l’instar de vos compagnons d’armes ou de
vos aînés, vous vous sentiez invulnérables ; peut-être même, vous sentiez-vous
tout permis, parce que la mort était votre plus proche compagne : une balle qui
vous effleure à quelques centimètres du coeur, votre chef qui refuse de se
baisser devant l’ennemi et qui finit pas être mortellement touché ; Amilakvari
et Brunet de Sairigné vous avaient montré le chemin, Segrétain, Hamacek,
Raffalli et plus tard Jeanpierre, Violès, Bourgin, autant de camarades qui vous
ont quitté en chemin. Parmi cette litanie, on ne peut oublier, votre fidèle
adjudant d’unité, l’adjudant Bonnin, qui vous a marqué à tel point, que, plus
tard, vous veillerez à évoquer sa personnalité et sa mémoire durant toutes vos
conférences ! Et avec lui, se joignent tous vos légionnaires, qui ont servi
honnêtes et fidèles, qui sont morts, dans l’anonymat mais face à l’ennemi, et
pour lesquels vous n’avez eu le temps de dire qu’une humble prière. Tel est le
mystère de la mort au combat, qui au même moment frappe un compagnon à vos
côtés et vous épargne, pour quelques centimètres ou une fraction de seconde !
Dix ans plus
tard, vous aurez encore rendez-vous avec la mort ! Mais cette fois-ci, ce ne
sera pas d’une balle perdue sur un champ de bataille, mais de 12 balles dans la
peau, dans un mauvais fossé du Fort d’Ivry. En effet, vous veniez d’accomplir
un acte grave, en vous rebellant contre l’ordre établi et en y entraînant
derrière vous une unité d’élite de légionnaires, ces hommes venus servir la
France avec honneur et fidélité. Or retourner son arme contre les autorités de
son propre pays reste un acte très grave pour un soldat ; en revanche, le
jugement qui sera rendu - 10 ans de réclusion pour vous et le sursis pour vos
capitaines - montre qu’en dépit de toutes les pressions politiques de l’époque,
en dépit des tribunaux d’exception et en dépit de la rapidité du jugement, les
circonstances atténuantes vous ont été reconnues. Elles vous seront aussi été
reconnues 5 ans après, quand vous serez libéré de prison, comme elles vous
seront encore reconnues quelques années plus tard quand vous serez réhabilité
dans vos droits ; elles vous seront surtout reconnues par la nation et par les
médias à travers le succès éblouissant de vos livres, celui de vos nombreuses
conférences et par votre témoignage d’homme d’honneur. Ces circonstances
atténuantes se transformeront finalement en circonstances exceptionnelles,
lorsque, 50 ans plus tard, en novembre 2011, le Président de la République en
personne vous élèvera à la plus haute distinction de l’Ordre de la Légion
d’Honneur ; au cours de cette cérémonie émouvante, qui eut lieu dans le
Panthéon des soldats, nul ne saura si l’accolade du chef des armées
représentait le pardon du pays à l’un de ses grands soldats ou bien la demande
de pardon de la République pour avoir tant exigé de ses soldats à l’époque de
l’Algérie. Le pardon, par sa puissance, par son exemple et surtout par son
mystère, fera le reste de la cérémonie !….Aujourd’hui, vous nous laissez
l’exemple d’un soldat qui eut le courage, à la fois fou et réfléchi, de tout
sacrifier dans un acte de désespoir pour sauver son honneur ! Mais vous nous
quittez en sachant que beaucoup d’officiers ont aussi préservé leur honneur en
faisant le choix de la discipline. Le mot de la fin, si une fin il y a, car la
tragédie algérienne a fait couler autant d’encre que de sang, revient à l’un de
vos contemporains, le général de Pouilly, qui, au cours de l’un des nombreux
procès qui suivirent, déclara, de façon magistrale et courageuse, devant le
tribunal : « Choisissant la discipline, j’ai également choisi de partager avec
la Nation française la honte d’un abandon… Et pour ceux qui, n’ayant pas pu
supporter cette honte, se sont révoltés contre elle, l’Histoire dira sans doute
que leur crime est moins grand que le nôtre » !
Et puis, quelque
20 ans plus tard, alors que, depuis votre sortie de prison, vous aviez choisi
de garder le silence, comme seul linceul qui convienne après tant de drames
vécus, alors que vous aviez reconstruit votre vie, ici même à Lyon, vous êtes
agressé un soir dans la rue par deux individus masqués, dont l’un vous crie,
une fois que vous êtes à terre : « Tais-toi ! On ne veut plus que tu parles ! »
Cette agression survenait après l’une de vos rares interventions de l’époque ;
elle agira comme un électrochoc et vous décidera alors à témoigner de ce que
vous avez vu et vécu à la pointe de tous les drames qui ont agité la France au
cours du XXème siècle. Ainsi, au moment où vous comptiez prendre votre
retraite, vous allez alors commencer une 3ème carrière d’écrivain et de
conférencier. Alors que le silence que vous aviez choisi de respecter, vous
laissait en fait pour mort dans la société française, ce nouvel engagement va
vous redonner une raison de vivre et de combattre ! Toujours ce mystère de la
vie et de la mort ! Au-delà des faits et des drames que vous évoquerez avec
autant d’humilité que de pudeur, vous expliquerez les grandeurs et les
servitudes du métier des armes et plus largement de celles de tout homme. A
l’égard de ceux qui ont vécu les mêmes guerres, vous apporterez un témoignage
simple, vrai, poignant et dépassionné pour expliquer les drames vécus par les
soldats, qui, dans leur prérogative exorbitante de gardien des armes de la cité
et de la force du pays, sont en permanence confrontés aux impératifs des ordres
reçus, aux contraintes de la réalité des conflits et aux exigences de leur
propre conscience, notamment quand les circonstances deviennent
exceptionnellement dramatiques. A l’égard des jeunes générations, qui n’ont pas
connu ces guerres, ni vécu de telles circonstances, mais qui vous ont écouté
avec ferveur, vous avez toujours évité de donner des leçons de morale, ayant
vous-même trop souffert quand vous étiez jeune, des tribuns qui s’indignaient
sans agir, de ceux qui envoyaient les jeunes gens au front en restant
confortablement assis ou de notables dont la prudence excessive servait d’alibi
à l’absence d’engagement. Vous êtes ainsi devenu une référence morale pour de
nombreux jeunes, qu’ils fussent officiers ou sous-officiers ou plus simplement
cadres ou homme de réflexion.
Puis dans les
dernières années de votre vie, vous avez aussi eu plusieurs rendez-vous avec la
mort, car votre « carcasse » comme vous nous le disiez souvent, finissait pas
vous jouer des tours et le corps médical, avec toute sa compétence, sa patience
et son écoute, ne pouvait plus lutter contre les ravages physiques des années
de déportation, les maladies contractées dans la jungle indochinoise et les
djebels algériens, les conséquences des années de campagnes, d’humiliation ou
de stress. Pourtant, vous avez déjoué les pronostics et vous avez tenu bon,
alors que vous accompagniez régulièrement bon nombre de vos frères d’armes à
leur dernière demeure ! Là encore, le mystère de la vie et de la mort vous
collait à la peau.
Et puis,
aujourd’hui, Hélie, notre ami, vous êtes là au milieu de nous ; vous, l’homme
de tous les conflits du XXème siècle, vous vous êtes endormi dans la paix du
Seigneur en ce début du XXIème siècle, dans votre maison des Borias que vous
aimiez tant, auprès de Manette et de celles et ceux qui ont partagé l’intimité
de votre vie.
Mais, Hélie,
êtes-vous réellement mort ? Bien sûr, nous savons que nous ne croiserons plus
vos yeux d’un bleu indéfinissable ! Nous savons que nous n’écouterons plus
votre voix calme, posée et déterminée ! Nous savons aussi que, lors de nos
prochaines étapes à Lyon, seule Manette nous ouvrira la porte et nous
accueillera ! Nous savons aussi que vos écrits sont désormais achevés !
Mais, Hélie, à
l’instar de tous ceux qui sont ici présents, nous avons envie nous écrier,
comme cet écrivain français : « Mort, où est ta victoire ? »
Mort, où est ta
victoire, quand on a eu une vie aussi pleine et aussi intense, sans jamais
baisser les bras et sans jamais renoncer ?
Mort, où est ta
victoire, quand on n’a cessé de frôler la mort, sans jamais chercher à se
protéger ?
Mort, où est ta
victoire, quand on a toujours été aux avant-gardes de l’histoire, sans jamais
manquer à son devoir ?
Mort, où est ta
victoire, quand on a su magnifier les valeurs militaires jusqu’à l’extrême
limite de leur cohérence, sans jamais défaillir à son honneur ?
Mort, où est ta
victoire, quand on s’est toujours battu pour son pays, que celui-ci vous a
rejeté et que l’on est toujours resté fidèle à soi-même ?
Mort, où est ta
victoire, quand après avoir vécu de telles épreuves, on sait rester humble,
mesuré et discret ?
Mort, où est ta
victoire, quand son expérience personnelle, militaire et humaine s’affranchit
des époques, des circonstances et des passions et sert de guide à ceux qui
reprendront le flambeau ?
Mort, où est ta
victoire, quand après avoir si souvent évoqué l’absurde et le mystère devant la
réalité de la mort, on fait résolument le choix de l’Espérance ?
Hélie, notre
frère, toi qui a tant prôné l’Espérance, il me revient maintenant ce vieux
chant scout que tu as dû chanter dans ta jeunesse et sans doute plus tard, et
que tous ceux qui sont présents pourraient entonner : « Ce n’est qu’un au
revoir, mon frère ! Ce n’est qu’un au revoir ! Oui, nous nous reverrons Hélie !
Oui, nous nous reverrons » !
Oui, Hélie, oui,
nous nous reverrons à l’ombre de Saint Michel et de Saint Antoine, avec tous
tes compagnons d’armes, en commençant par les plus humbles, dans un monde sans
injure, ni parjure, dans un monde sans trahison, ni abandon, dans un monde sans
tromperie, ni mesquinerie, dans un monde de pardon, d’amour et de vérité !
A Dieu, Hélie….A
Dieu, Hélie et surtout merci ! Merci d’avoir su nous guider au milieu des «
champs de braise ! »
***************
Les Veilleurs
Nantais
Mon expérience
des veilleurs par Emmanuel, un des responsables des veilleurs.
J'ai assisté à la
plupart des veillées parisiennes et j'ai fait une bonne moitié de la marche de
cet été pendant laquelle j'ai pas mal parlé avec Gaultier, Charles et Axel
notamment.
Je pense que la
déception de certains peut venir d'une compréhension partielle ou incomplète de
ce que je perçois de l'esprit / l'intuition des veilleurs, que j'essaye de
résumer ci-dessous (aucune prétention de ma part que ma compréhension soit LA
bonne !!).
L'idée est que
c'est un combat à long terme, pas de l'ordre de l'écume, mais des courants
profonds pour reprendre la phraséologie "Axelienne" (Axel étant un
des initiateurs du mouvement).
De même que
l'infiltration des idées "gender friendly" ou "LGBT
friendly" a pris au moins une génération, il en sera de même si on veut
"remettre les choses en place".
Imaginer une
prise de conscience, un changement rapide de la perception de ce qu'est la
dignité humaine, est ILLUSOIRE.
Pour ceux qui
ont fait la marche c'était clair que la plupart des gens rencontrés
n'aspiraient qu'à être en vacances. C'est donc une tâche de longue haleine.
Notre chant est
l'Espérance, le mot est bien choisi, ce n'est pas un combat que l'on peut
gagner facilement, ni seul...
C'est pour cela
que les veilleurs parlent autant de culture. Pour changer la société il faut se
réapproprier la culture, par exemple à une veillée les animateurs ont fait
remarquer que les deux dernières palmes d'or à Cannes évoquent pour l'une
l'euthanasie (avec le titre "AMOUR") et pour l'autre l'histoire d'une
couple de lesbiennes... est-ce représentatif de notre culture ?
C'est aussi pour
cela que les références à la Pologne sont assez fréquentes ; la Pologne a été
occupée presque toute son histoire et les catholiques polonais ont lutté pour
leur foi, leur langue et leur pays (en créant des journaux, des radios, etc.).
Ça a pris très longtemps, a coûté très cher, mais les fruits ont été
magnifiques. Bien sûr le combat est très différent mais ça reste un combat pour
un système de valeurs, pour une vision du monde.
Il faut donc
trouver une façon pour peser sur la vie associative, culturelle, politique de
son pays pour, à long terme, renverser quelque chose qui semble plus fort que
nous aujourd'hui (par exemple, l'indifférence de la majorité des gens à
l'époque actuelle).
Cela ne peut que
décevoir ceux qui rêvent encore d'une victoire politique à court terme.
Mais la vraie
question c'est peut être de se demander ce que serait la victoire ? Faire
marche arrière, changer la loi pour ne pas faire ce "pas de trop" ?
Mais est-ce que ça résoudrait grand chose ?
Est-ce que
quelqu'un pense vraiment que tout allait bien avant la loi Taubira et que tout
va mal depuis ? Que revenir à la situation "ex ante" serait
parfaitement satisfaisant ?
C'est pour cela
que les veilleurs ne veulent pas "être emprisonnés" sur le seul sujet
de la Loi Taubira. Ils ne se désintéressent pas du sujet, comme peuvent le dire
Frigide Barjot ou la LMPT, mais ils veulent plutôt s'attaquer aux causes qu'aux
conséquences.
Pour ma part je
suis persuadé que la loi Taubira a servi de déclencheur à une prise de
conscience (et en cela elle a surpris le gouvernement), mais l'enjeu est
peut-être plus fondamentalement que la dignité de l'homme soit mieux défendue,
soit davantage au centre des préoccupations. C'est en cela, je crois, qu'il
faut comprendre ce que disait Axel samedi sur le fait d'être surpris, la
veillée est le lieu de la prise de conscience de la situation difficile (et qui
peut sembler désespérée) dans laquelle est placée notre société.
La
"solution" proposée par les veilleurs :
Face à cette
situation difficile, et à l'impossibilité de concevoir une victoire à court
terme, on peut se sentir perdu, désemparé. Les veilleurs ne proposent pas une
solution "toute faite". L'idée est plutôt, selon moi, que c'est dans
la veillée que se forge pour chacun la conviction, et même la nécessité, de
s'engager pour la société. La culture est une façon de s'engager. Les veillées
ont souhaité laisser une part croissante à des exemples concrets d'engagement
dans le domaine social (Aux captifs la libération, à Bondy), éducatif (les
cours Alexandre Dumas, à Montfermeil), syndical, ou politique (intervention à
Chatelaillon du député PS Jérôme Lambert qui a voté contre la loi Taubira),
etc.
Je pense que la
question rituelle de savoir "quel est le pourcentage de nouveaux ?"
vise notamment à savoir si le public est là pour "prendre conscience"
ou s'il est prêt à entendre déjà "comment s'engager ?"
Pourquoi ce
n'est pas un lieu de formation ?
Ma compréhension
est que l'engagement qui est choisi par chacun est quelque chose de personnel,
c'est un choix libre fait par chacun en fonction de sa vie, de ses
disponibilités et de ses goûts. Les animateurs insistent sur le fait que chacun
doit se sentir absolument libre par rapport aux propos entendus lors des
veillées, c'est capital. Après, si l'engagement de l'un est de créer une école,
des cours pour former sur tel ou tel aspect, c'est parfaitement dans l'esprit
des veilleurs. Mais je pense que le rôle des animateurs (tels qu'ils le
conçoivent) est d'amener les autres à s'engager (leur propre engagement étant
d'animer les veillées) et non de former les autres. Je ne sais pas si je suis
clair...
En une phrase je
crois que les veilleurs sont un mouvement qui vise l'engagement des gens dans
la société sur le long terme, pour la changer, lui redonner son visage
peut-être.
Enfin c'est ce
que je vis en tout cas ! en espérant avoir fait croître l'espérance.
***************
Michel Menu,
Marcher devant (1er janvier 1970)
Marcher devant !
Toujours devant !
Comme le pilote,
Être aussi
mécanicien, radio, navigateur.
Rester debout
quand les autres s’assoient,
Sourire quand
ils serrent les dents,
Donner sa flotte
quand ils ont soif,
Et son cœur
quand ils n’en ont pas.
Porter la
fatigue des faibles,
Éclairer ceux
qui sont dans le noir,
Espérer pour
six, vouloir pour dix.
Puis le soir,
quand tous se taisent,
Parler pour eux
au Seigneur.
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