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Le fondement de tout véritable État,
c'est la transcendance de son principe,
c'est-à-dire du principe de la souveraineté,
de l'autorité et de la légitimité.
c'est la transcendance de son principe,
c'est-à-dire du principe de la souveraineté,
de l'autorité et de la légitimité.
JULIUS EVOLA
Cicéron, De la République, « La loi naturelle » (51 avant Jésus-Christ)
Philippe Pichot-Bravard, « Droits de l'Homme ou droit naturel ? » (2013)
Sully Prudhomme, Les vaines tendresses, « L'épousée » (1875)
Jean-Marie Le Méné, « Les hommes politiques sont-ils hors la loi ? » (2013)
Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, « Harmonie du soir » (1857)
Les menteurs
Ils voudraient être le vent
Qui fait tourner les moulins,
Ces marchands de boniments
Qui viennent pour prendre le pain ;
Mais ils ne brassent que du vent
Contre rente viagère,
Et sur le compte des gens
Ils construisent leur carrière ;
Savent-ils faire germer le grain,
Et pour faire lever la pâte
Travailler de bon matin ;
En permanence mentir,
C'est voir périr sa conscience,
Cracher sur l'Homme, le trahir.
Jean de Baulhoo
Livret de poésie de France
La Nouvelle Pléiade, 2012
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La loi naturelle
Il est une loi véritable, la
droite raison, conforme à la nature, universelle, immuable, éternelle, dont les
ordres invitent au devoir, dont les prohibitions éloignent du mal. Soit qu'elle
commande, soit qu'elle défende, ses paroles ne
sont ni vaines auprès des bons, ni puissantes sur les méchants. Cette
loi ne saurait être contredite par une autre, ni rapportée en quelque partie,
ni abrogée toute entière. Ni le Sénat ni le Peuple ne peuvent nous délier de
l'obéissance à cette loi. Elle n'a pas besoin d'un nouvel interprète ou d'un
organe nouveau. Elle ne sera pas autre dans Rome, autre dans Athènes ; elle ne
sera pas demain autre qu'aujourd'hui : mais dans toutes les nations et dans
tous les temps, cette loi régnera
toujours, une, éternelle, impérissable ; et le guide commun, le roi de toutes
les créatures, Dieu même donne la naissance, la sanction et la publicité à
cette loi, que l'homme ne peut méconnaître sans se fuir lui- même, sans renier
sa nature, et par cela seul, sans subir les plus dures expiations, eût-il évité
d'ailleurs tout ce qu'on appelle supplice.
Cicéron, De Republica,
III, 17
Est quidem vera lex recta
ratio, naturae congruens, diffusa in omnes, constans, sempiterna ; quae vocet
ad officium jubendo, vetando a fraude deterreat, quae tamen neque probos
frustra jubet aut vetat, nec improbos jubendo aut vetando movet. Huic legi nec
obrogari fas est, neque derogari ex hac aliquid licet, neque tota abrogari
potest : nec vero aut per senatum aut per populum solvi hac lege possumus :
neque est quaerendus explanator aut interpres ejus alius : nec erit alia lex Romae, alia
Athenis, alia nunc, alia posthac ; sed et omnes gentes et omni tempore una lex
et sempiterna et immutabilis continebit ; unusque erit communis quasi magister
et imperator omnium deus, ille legis
hujus inventor, disceptator, lator ; cui qui non parebit, ipse se fugiet
ac naturam hominis aspernatus, hoc ipso luet maximas poenas, etiamsi caetera
supplicia, quae putantur, effugerit.
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Droits de l'Homme ou droit naturel ?
Par Philippe Pichot-Bravard, docteur en droit et
écrivain (article paru dans L'Homme Nouveau du
8 juin 2013).
Au cours du XVIIIe siècle, l'expression « droits de
l'homme », aux antipodes du droit naturel, est de plus en plus employée, avec
toute la subversion qu'elle sous-tend.
L'idée que la personne humaine est protégée par des
règles de droit est plus ancienne que l'on croit. Elle découle naturellement du
devoir de justice qui, depuis l'ère carolingienne, fonde la légitimité du roi.
Faire régner la justice consistait pour le Roi à respecter le droit naturel et
le droit de chaque corps social. Pour autant, ces droits ne se déployaient pas
seulement dans un cadre organiciste. Le roi était le garant de la vie, de
l'honneur, de la liberté et de la propriété, droits concrets dont Louis XV a pu
dire, en 1771, qu'il était dans « l'heureuse impuissance » d'y porter
atteinte.
La notion de droits de l'Homme est beaucoup plus
récente. Elle puise à la fois dans les écrits de la seconde scolastique et dans
la conception individualiste et contractualiste de la société telle que
défendue par John Locke. Elle repose sur une conception nominaliste du monde et
subjectiviste du droit. Ainsi John Locke affirme que la société est née du
pacte conclu entre eux par des propriétaires terriens soucieux de confier à une
institution le soin de protéger leurs droits (liberté, propriété et sûreté) et
d'arbitrer leurs conflits d'intérêt.
L'expression « droits de l'homme » fut utilisée de
plus en plus souvent au cours du XVIIIe siècle. Ainsi, dans ses Méditations
métaphysiques, le chancelier d'Aguesseau parla des « droits essentiels
de l'homme et du citoyen » (Œuvres, t. XIV). La Cour des Aides
reprit la formule le 18 février 1771 : « Le droit de propriété est celui de
tous les droits de l'homme, qui (...) a été le plus respecté en France », lit-on
sous la plume de Malesherbes qui évoqua un peu plus loin « ces droits qui
appartiennent à tous les Français par les Lois du Royaume, et à tous les hommes
par les Lois de l'humanité et de la Raison ». Dans un mémoire adressé au
roi, Turgot évoqua, en 1775, « les droits des hommes réunis en société »
lesquels étaient « fondés » sur « leur nature ». Jacob Nicolas
Moreau, précepteur des petits-fils de Louis XV puis historiographe de France,
affirmait que la conservation de ces droits était le premier devoir du prince :
« Liberté, propriété, succession et transmission des propriétés, assurance
et fidélité dans les contrats, voilà (...) les biens que tous les gouvernements
sont essentiellement destinés à conserver ». Son élève, le futur Louis XVI,
utilisa lui aussi l'expression à plusieurs reprises : « Il y a quatre droits
naturels que le prince est obligé de conserver à chacun de ses sujets ; ils ne
les tiennent que de Dieu, et ils sont antérieurs à toute loi politique et
civile : la vie, l'honneur, la liberté et la propriété des biens que chaque
individu possède ». Le Parlement de Paris reprit l'expression « droits de
l'homme » le 26 juillet 1787 et le 11 mars 1788, probablement sous l'influence
de jeunes conseillers imprégnés par les idées américaines.
Sitôt érigée en Assemblée Constituante, l'Assemblée
des États généraux entreprit la rédaction d'une déclaration des droits de l'homme
et du citoyen. Commencé le 4 août 1789, ce travail fut interrompu le 27 août au
matin. Ce matin-là, les députés, insatisfaits du contenu, décidèrent de
reporter la rédaction des articles après que la constitution eut été écrite. La
déclaration des droits de l'homme et du citoyen, comme l'a montré le professeur
Xavier Martin, devait rester inachevée, et privée de toute portée juridique.
Texte de compromis, la déclaration est marquée par une
tension entre l'influence de Locke (article deux) et celle de Rousseau (article
six). À l'article trois, la déclaration des droits proclame le principe de la
souveraineté nationale. Cette affirmation marquait un renversement complet de
l'ordre du monde : le pouvoir ne venait plus d'en haut mais d'en bas. Dès lors,
le souverain était affranchi du respect d'un ordre juridique supérieur
extérieur à sa volonté. La définition de la loi s'en trouva radicalement
bouleversée. Selon l'article six, « La loi est l'expression de la volonté
générale ». La loi ne se définissait plus en fonction de sa finalité mais
en fonction de son origine. La loi n'est plus l'acte qui participe au règne de
la justice mais l'acte qui exprime la volonté du souverain. Il y avait là une
tension évidente entre l'affirmation de l'existence de « droits naturels,
inaliénables et sacrés de l'homme » et le légicentrisme contenu par
l'article six. L'absence de procédure juridictionnelle de contrôle de la
constitutionnalité des lois empêcha de vérifier que les volontés du législateur
étaient effectivement respectueuses de ces « droits naturels, inaliénables
et sacrés de l'homme ». Cette absence était volontaire, comme le montra le
débat du 8 août 1791. Les députés ne voulaient pas qu'un organe conservateur de
l'ordre constitutionnel vînt faire obstacle à leur volonté souveraine.
Edmund Burke, dans ses Réflexions sur la Révolution
de France, décrivit magistralement le danger qui en résultait pour les
libertés et les droits concrets, annonçant le despotisme terrible qui allait
bientôt, au nom de ces droits abstraits, s'abattre sur la France.
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René-François Sully Prudhomme (1839-1907).
Recueil : Les vaines tendresses (1875).
L'épousée.
Elle est fragile à caresser,
L'épousée au front diaphane,
Lis pur qu'un rien ternit et fane,
Lis tendre qu'un rien peut froisser,
Que nul homme ne peut presser,
Sans remords sur son cœur profane.
La main digne de l'approcher
N'est pas la main rude qui brise
L'innocence qu'elle a surprise
Et se fait jeu d'effaroucher,
Mais la main qui semble toucher
Au blanc voile comme une brise ;
La lèvre qui la doit baiser
N'est pas la lèvre véhémente,
Effroi d'une novice amante
Qui veut le respect pour oser,
Mais celle qui se vient poser
Comme une ombre d'abeille errante ;
Et les bras faits pour l'embrasser
Ne sont pas les bras dont l'étreinte
Laisse une impérieuse empreinte
Au corps qu'ils aiment à lasser,
Mais ceux qui savent l'enlacer
Comme une onde où l'on dort sans crainte.
L'hymen doit la discipliner
Sans lire sur son front un blâme,
Et les prémices qu'il réclame
Les faire à son cœur deviner :
Elle est fleur, il doit l'incliner,
La chérir sans lui troubler l'âme.
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Les hommes
politiques sont-ils hors la loi ?
Par Jean-Marie
Le Méné, président de la Fondation Jérôme-Lejeune (tribune parue dans Valeurs actuelles du 5 décembre 2013).
Nous obéissons
aux lois issues de la volonté générale et aux lois non écrites. Or, celles-ci
sont l’objet d’assauts de tous les bords politiques.
Les Grecs se différenciaient des barbares en ce qu’ils ne s’estimaient «
esclaves ni sujets de personne », selon Eschyle. Ils étaient libres parce
qu’ils n’étaient soumis qu’à une seule souveraineté, celle de la loi. Mais
celle-ci n’avait pas grand-chose à voir avec l’expression rousseauiste de la
volonté générale. La souveraineté de la loi était d’abord celle des lois non
écrites, que Sophocle décrivait en ces termes : « Aucun être mortel ne leur
donna le jour, jamais l’oubli ne les endormira, un dieu puissant est en elles,
un dieu qui ne vieillit pas. »
Ces lois non
écrites, transmises par les anciens, témoignaient des conditions requises pour
vivre en paix dans la société (ne pas tuer, ni voler, ni mentir, etc.).
Au-dessous d’elles, les lois écrites réglaient les institutions, en s’efforçant
de s’inscrire dans cet ordre raisonnable du monde dont les Grecs avaient
l’intuition. Être grec, c’était « ne pas vouloir être au-dessus des lois », dans
la mesure où celles-ci tiraient leur légitimité des lois non écrites. Être
grec, c’était être libre de ce qui altère l’ordre du monde.
A contrario, c’est de la transgression des lois non écrites que
les hommes politiques d’aujourd’hui tirent une grande partie de leur
légitimité. Leurs campagnes électorales, pour avoir une chance de se
distinguer, sont fondées sur des surenchères qui violent les conditions d’une
vie sociale juste et paisible. Ainsi en a-t-il été des promesses en matière de
mariage homosexuel, d’atteintes multiples à la vie commençante et à la vie
finissante. En 2012-2013, les premières mesures politiques d’envergure ont atteint
des sommets de transgression, avec la remise en question de l’altérité sexuelle
dans le mariage et du droit des enfants à avoir un père et une mère.
À peine
l’indignation était-elle retombée qu’une seconde rafale de mesures, encore plus
violente, s’attaque au début de la vie humaine : libéralisation de la recherche
détruisant l’embryon humain, en juillet, banalisation de l’avortement comme un
droit ordinaire, en septembre, dépistage eugéniste recentré sur la cible de la
trisomie 21 et annoncé dans les mois qui viennent. Sans parler des perspectives
de la procréation médicalement assistée, de la gestation pour autrui et de
l’euthanasie…
La coupe étant pleine, on aurait pu penser que les candidats potentiels
savaient à quoi s’en tenir pour briguer la magistrature suprême. Or, une
information récente nous dépeint un Nicolas Sarkozy travaillant son retour sous
les couleurs du progrès. Très bien. Mais derrière ce mot, il y a des exemples,
et parmi eux on trouve — le croiriez-vous ? — la recherche sur l’embryon ! Les
bras vous en tombent. Pour trois raisons. D’abord, cette recherche vient de
faire l’objet d’une libéralisation à la fois libertaire et liberticide par les
socialistes après un combat homérique de l’opposition. Que peut-on faire de
plus dans le registre du “déshumanisme” ou de pire dans celui du désaveu de son
propre camp ?
Ensuite, il a
été démontré — Prix Nobel de médecine en tête — que l’obsession de la recherche
sur l’embryon est un affront à la rigueur scientifique : qu’on se reporte à la
tribune du professeur Arnold Munnich, parue dans le Monde du 7 août
2013, dans laquelle l’ancien conseiller scientifique du président Sarkozy
regrettait la libéralisation récente de la recherche sur l’embryon sous le
titre : « Cellules souches : un fragile équilibre pulvérisé ».
Enfin, faire
mourir des êtres humains avant la naissance est homicide par définition et
toujours injustifiable, si haute que soit la finalité poursuivie. Encore une
fois, un projet politique — dès le stade de l’annonce — puise sa reconnaissance
dans la profanation des lois non écrites. Ce passage obligé de la politique par
l’institutionnalisation de la violence est une régression qui nous tue, dans
tous les sens du terme. Rappeler qu’on est loin de la sagesse des Grecs est un
euphémisme.
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Charles Baudelaire (1821-1867).
Recueil : Les fleurs du mal (1857).
Harmonie du soir.
Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.
Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige,
Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir ;
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.
Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige !
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige...
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir !
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