vendredi 9 août 2013

Textes lus lors de notre 14ème veillée - 9 août 2013

Si vous le souhaitez, vous pouvez lire notre page en écoutant de la musique
(fichier téléchargeable)

Henri VII, Comte de Paris et Duc de France, Paroles de Princes (23 avril 2013), « Sommes-nous encore en démocratie et pour combien de temps ? » (extraits)
Andrée Chedid, « L'Espérance »
Antonio Gramsci, « Je hais les indifférents »
Victor Hugo, La Légende des siècles, « Après la bataille »

======================================================================================

« Sommes-nous encore en démocratie et pour combien de temps ? »

La violence brutale infligée à une majorité de Français serait-elle une provocation ? Sinon, avons-nous les moyens d'y répondre ? Lesquels ? Lorsqu'on ose faire voter à main levée, comme sous la Terreur, lors de la révolution de 1792, des lois d'exception pour arracher au bulldozer les racines de notre civilisation judéo-chrétienne, il y a violence faite à la démocratie mais aussi à l'âme et au cœur des Français, à leur culture millénaire. La haine et l'incompréhension creusent alors leurs sillons au sein du peuple de France. Une gouvernance annoncée comme normale pourrait apparaître, au bout d'un an, comme l'antique Moloch, idole carthaginoise : on faisait périr dans les flammes de cette idole, constamment entretenues, les opposants, permettant alors aux fragiles gouvernances de l'époque de croire pouvoir ainsi éteindre par le feu toute angoisse de leur propre avenir. Après, il n'y aurait plus que cendres et fumée ; lorsqu'on refuse d'écouter les justes revendications, comme les besoins d'un peuple, et que dans le même temps on laisse croître de façon incontrôlable la dette, le chômage et donc la misère, il y a violence faite à la personne.

Nous ne sommes pas homophobes pour la plupart d'entre nous. Mais certains médias, serviteurs zélés du pouvoir, font volontiers l'amalgame, opposant leurs certitudes artificielles dans un politiquement correct, avec nos sources vitales et notre croyance en la "royauté de l'homme". Ils trichent avec eux-mêmes et avec le vrai de la réalité de ce qui est. Chacun a le droit de mener sa vie comme il l'entend et comme cela s'est fait depuis des temps immémoriaux jusqu'à nos jours, sans tambour ni trompette. Oui, nous respectons le choix de vie de nos amis. C'est leur droit et il faut le protéger. Mais nous ne souhaitons pas que nos principes soient déviés, qu'ils soient totalement et officiellement inversés, condamnés sans référendum.

La liberté de chacun est un bien trop précieux pour l'abandonner à quelques dictatures que ce soient. Car une liberté axée uniquement sur un plaisir personnel, qui n'aurait pas à cœur d'en comprendre les tenants et les aboutissants et ce qui pourrait en résulter, aura tendance à s'exercer au détriment de la liberté des autres. Le grand poète Paul Valéry écrivait : "la liberté de chacun s'achève où commence celle de l'autre." En écrivant cela, nous pensons bien évidemment aux enfants qui pourraient se trouver doublement orphelins et privés du sens de leur vie à venir et à construire. Ne nous laissons pas instrumentaliser par ceux qui ne pensent qu'à eux-mêmes et au plaisir qu'ils en auraient. Un bébé à faire naître artificiellement pourrait-il être comparable à un animal de compagnie que l'on achèterait ? (...)

Lorsqu'en outre l'éducation nationale est confiée, au plus haut niveau, à des fossoyeurs (peut être de bonne volonté) qui déjà envisagent toutes sortes d'expériences sur les embryons, devenus cobayes dans le ventre de leur mère, il y a violence faite à l'être humain au prétexte de la science et de son expérimentation. (...) Aujourd'hui nous sommes profondément tristes, nous sommes également soumis à l'obligation de nous confronter à certains régimes totalitaires qui vont à l'encontre des droits de l'homme, des droits de la personne humaine dont on oublie trop souvent la part de sacré, d'âme.

En parallèle de ces sombres tableaux, il existe pourtant dans toute la France des jeunes et des moins jeunes, des Français et des Françaises de toutes origines, de toutes conditions, de toutes confessions, parfois d'aucune confession, de toutes couleurs, qui parcourent les rue de nos villes pour crier leur incompréhension de ce "viol" face aux diktats qui tentent de pousser la France vers l'abîme. La seule réponse adaptée, mais d'une force incompressible, qu'ils aient trouvée est et doit rester la non-violence (...). J'admire cette magnifique jeunesse, dans ce mai 68 remis à l'endroit en mai 2013, ces veilleurs non-violents qui donnent l'exemple de leur force tranquille, de leur abnégation déterminée, de leur respect d'autrui, celui de la dignité de chaque être et le rejet de l'exaspération et de la colère.

Marcher sur le fil tranchant de la non-violence n'est en effet pas facile dans ce monde plein de violence. Seuls la force intérieure et l'amour de l'autre peuvent désarmer l'implacabilité retorse et glaciale qui vous est opposée. Si on se laisse emporter par la colère, on prend le risque non assumé de répondre œil pour œil. Alors, nous dit le Mahatma Gandhi, "le monde deviendrait aveugle". Je vous laisse méditer en conclusion sur cette réflexion de Mère Térésa : "le fruit du silence est la prière... le fruit de la prière est la foi... le fruit de la foi est l'amour... le fruit de l'amour est le service... le fruit du service est la paix".

Le 23 avril 2013

Henri VII, Comte de Paris et Duc de France.

***************

Andrée Chedid, « L'Espérance »

J'ai ancré l'espérance
Aux racines de la vie
Face aux ténèbres
J'ai dressé des clartés
Planté des flambeaux
À la lisière des nuits

Des clartés qui persistent
Des flambeaux qui se glissent
Entre ombres et barbaries

Des clartés qui renaissent
Des flambeaux qui se dressent
Sans jamais dépérir

J'enracine l'espérance
Dans le terreau du cœur
J'adopte toute l'espérance
En son esprit frondeur.

***************

Antonio Gramsci, « Je hais les indifférents »

« Je hais les indifférents. Pour moi, vivre veut dire prendre parti. Qui vit vraiment ne peut ne pas être citoyen et parti prenant. L'indifférence est apathie, elle est parasitisme, elle est lâcheté, elle n'est pas vie.

C'est pourquoi je hais les indifférents. L'indifférence est le poids mort de l'histoire. C'est la boule de plomb pour le novateur, c'est la matière inerte dans laquelle souvent se noient les enthousiasmes les plus radieux, c'est le marécage qui ceint la vieille cité et la défend mieux que les murailles les plus fermes, mieux que ses guerriers, car elle enlise ses assaillants dans ses gouffres boueux, limoneux, et elle les décime et les démoralise et quelques fois elle les oblige à renoncer à leur entreprise héroïque.

L'indifférence opère énergiquement dans l'histoire. Elle opère passivement, mais elle opère. C'est la fatalité ; c'est sur quoi l'on ne peut compter ; c'est ce que bouleverse les programmes, renverse les plans les mieux construits ; c'est la matière brute qui se rebelle à l'intelligence et l'étrangle. Ce qui se passe, le mal qui s'abat sur tous, le bien possible qu'un acte héroïque (de valeur universelle) peut provoquer, tout ça revient moins à l'initiative de quelques personnes qui agissent qu'à l'indifférence, à l'absentéisme de la majorité.

Ce qui arrive, arrive non pas parce que certains veulent qu'il arrive, mais parce que la majorité abdique sa volonté, laisse faire, laisse se grouper les nœuds qu'ensuite seule l'épée pourra couper, laisse promulguer les lois qu'ensuite seule la révolte fera abroger, laisse aller au pouvoir les hommes qu'ensuite seul un mutinement pourra renverser.

La fatalité qui semble dominer l'histoire n'est que l'apparence illusoire de cette indifférence, de cet absentéisme. Des faits mûrissent à l'ombre, juste quelques mains, à l'abri de tout contrôle, tissent la toile de la vie collective, et la masse ignore, car elle ne s'en soucie point. Les destins d'une époque sont manipulés selon des vues étriquées, des buts immédiats, des ambitions et des passions personnelles de petits groupes actifs, et la masse ignore, car elle ne s'en soucie point.

Mais les faits qui ont mûri aboutissent à leur fin ; mais la toile tissée à l'ombre s'accomplit : et alors il semble que c'est la fatalité qui emporte tout et tous, il semble que l'histoire n'est pas un énorme phénomène naturel, une irruption, un séisme, dont tous restent victimes, qui a voulu et qui n'a pas voulu, qui savait et qui ne savait pas, qui a été actif et qui indifférent.

Ce dernier s'irrite, il voudrait échapper aux conséquences, il voudrait qu'il soit clair que lui n'y était pour rien, qu'il n'était point responsable.

Certains pleurnichent piteusement, d'autres blasphèment avec obscénité, mais personne ou peu de personnes se demandent : si j'avais moi aussi fait mon devoir, si j'avais cherché à faire valoir ma volonté, mon conseil, serait-il advenu ce qui est advenu ? Mais personne ou peu de personnes se sentent responsables de leur indifférence, de leur scepticisme, du fait de ne pas avoir offert leurs bras et leur activité à ces petits groupes de citoyens qui luttaient justement pour éviter tel mal et procurer tel bien.

La plupart de ceux-ci par contre, à événements accomplis, préfèrent parler de faillite des idéaux, de programmes définitivement écroulés et d'autres agréableries pareilles. Ainsi recommencent-ils leur absence de toute responsabilité. Et ce n'est pas vrai qu'ils ne voient pas clair dans les choses, et que parfois ils ne soient pas capables d'avancer de très belles solutions pour des problèmes plus urgents, ou pour ceux qui, bien qu'ils demandent une ample préparation et du temps, sont toutefois pareillement urgents.

Mais ces solutions restent très bellement infécondes, et cette contribution à la vie collective n'est animée d'aucune lumière morale ; elle est le produit de la curiosité intellectuelle, pas d'un piquant sens d'une responsabilité historique qui veut que tous soient actifs dans la vie, qui n'admet pas agnosticismes et indifférences d'aucun genre. Je n'aime pas les indifférents aussi à cause de l'embêtement que me provoquent leurs pleurnichements d'éternels innocents. Je demande des comptes à chacun d'eux : comment il s'est acquitté des tâches que la vie lui propose quotidiennement ? qu'est-ce qu'il a fait et plus particulièrement qu'est-ce qu'il n'a pas fait ? Je sens de pouvoir être inexorable, de ne pas devoir gaspiller ma pitié, de ne pas devoir partager avec eux mes larmes.

Je suis parti prenant, je vis, je sens déjà pulser dans les consciences viriles de ma part l'activité de la cité future que ma part est déjà en train de construire. Et en elle la chaîne sociale ne pèse pas sur peu de personnes, en elle chaque chose qui arrive n'est pas due au hasard, à la fatalité, mais elle est l'œuvre intelligente des citoyens. Il n'y a en elle personne qui reste à la fenêtre à regarder pendant que le petit nombre se sacrifie, s'évanouit dans le sacrifice ; et celui-là qui est à la fenêtre, aux aguets, veuille profiter du peu de bien que l'activité de peu de personnes procure et dilue sa déception en vitupérant le sacrifie, le saigne, car il n'a pas réussi dans son dessein.

Je vis, je suis parti prenant. Donc je hais qui ne prend pas parti, je hais les indifférents. »

***************

APRÈS LA BATAILLE

Mon père, ce héros au sourire si doux,
Suivi d'un seul housard qu'il aimait entre tous
Pour sa grande bravoure et pour sa haute taille,
Parcourait à cheval, le soir d'une bataille,
Le champ couvert de morts sur qui tombait la nuit.
Il lui sembla dans l'ombre entendre un faible bruit.
C'était un Espagnol de l'armée en déroute
Qui se traînait sanglant sur le bord de la route,
Râlant, brisé, livide, et mort plus qu'à moitié.
Et qui disait : « À boire ! à boire par pitié ! »
Mon père, ému, tendit à son housard fidèle
Une gourde de rhum qui pendait à sa selle,
Et dit : « Tiens, donne à boire à ce pauvre blessé. »
Tout à coup, au moment où le housard baissé
Se penchait vers lui, l'homme, une espèce de Maure,
Saisit un pistolet qu'il étreignait encore,
Et vise au front mon père en criant : « Caramba ! »
Le coup passa si près que le chapeau tomba
Et que le cheval fit un écart en arrière.
« Donne-lui tout de même à boire », dit mon père.

La Légendes des siècles

VICTOR HUGO

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire