vendredi 23 août 2013

Textes lus lors de notre 16ème veillée - 23 août 2013

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 Fauré - Cantique de Jean Racine - Choir of New College, Oxford (1996)

Henri VII, Comte de Paris et Duc de France, Paroles de Princes (16 mai 2013), « Vous les Veilleurs, sachez que vous n'êtes pas seuls » (extraits)
Victor Hugo, Ultima verba
Antoine de Saint-Exupéry, Lettre à un otage, 5
Théodore de Banville, À la Patrie

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« Vous les Veilleurs, sachez que vous n'êtes pas seuls »

Les Veilleurs sont assimilables à une source d'eau pure, d'eau vive. Ils sont à la fois les vecteurs et les victimes de la réalité dont ils souffrent. Nous sommes nombreux à ne pas vouloir que notre civilisation disparaisse, mais qu'elle puisse évoluer, et tout autant désireux que la France se réveille de son cauchemar. C'est pourquoi cette flamme allumée pour veiller ne doit pas s'éteindre, en revanche, il ne faudrait pas qu'on puisse la contraindre à se transmuter en brasier. Ainsi cette flamme, par son aspect non violent, nous rappelle le sourire de l'Ange de Reims face à la force aveugle et brutale de l'injustice, de privation de liberté, celle du chaos, véritable tonneau des Danaïdes.

(...) Certes à notre époque, en France comme en Europe, les forces de destructions de nos valeurs, celles de notre civilisation judéo-chrétienne sont à l'œuvre. La vigilance et la responsabilité de nos actes doivent donc plus que jamais être pesés à l'aune du bon sens, de la justesse et de la pureté de l'âme et du cœur. Car cette nouvelle force destructrice et perverse est plus puissante que le mensonge, que la haine et que la prison qu'elle utilise et engendre... Et c'est déjà commencé !

Il faut s'attendre à ce que l'on attaque nos libertés fondamentales, le libre arbitre de chacun, l'opinion bien pesée de chaque citoyen que l'on voudrait encager dans le carcan d'une pensée unique plus commode à manipuler et à gérer. Que dire de l'intimité de notre conscience mise à mal, de nos croyances auxquelles on semblerait préférer un islam radical, conquérant et destructeur, prêt à nous détruire pour s'installer sur nos cendres ? (...) Que dire encore des nouveaux manuels scolaires enseignant le civisme : aucune ligne écrite sur la Liberté si douloureusement acquise, ou de la fraternité si souvent chantée (...). Rajoutons la théorie du genre qui se mêle de la vie intime de chacun, alors que le rôle d'un gouvernement est de se préoccuper du bien commun.

Contre toutes ces aberrations nous devons nous hâter et rallumer la flamme de notre prise de conscience.

Mais sachez, vous les Veilleurs, que vous n'êtes pas seuls. Des anciens veillent aussi, parlent, écrivent comme ce collectif de juristes "Cambacérès" qui redisent le juste Droit, comme ces agriculteurs qui redéfinissent les comportements utiles pour ne pas détruire la nature (...). Nous devrions relire les écrits de certains grands économistes comme Maurice Allais qui reçut en 1988 le prix Nobel d'économie, il dénonçait déjà la dérégulation financière, la suppression des barrières douanières et les taux de change flottants, toutes nouveautés qui provoqueront le déclin de l'emploi et le risque d'une grande dépression mondiale. Je garde également le souvenir de mon regretté professeur d'économie (et autres sciences) Alfred Sauvy. (...)

Détruire une civilisation n'est pas sans danger. Construire une nouvelle civilisation peut se transformer en champ de mines anti-personnelles. Comme le disait Enstein : "Plus la technologie avance, plus les gens risquent de devenir idiots". Tout le monde n'est pas Enstein... On nous demande de plus en plus chaque jour et dans tous les domaines, et on refuse l'excellence, alors on a recours au touche à tout. Ceux qui n'ont pas eu la possibilité de se créer honnêtement ou non une forte carapace, nous ont fait découvrir, par leur suicide, la profondeur du gouffre, résultat d'une modernité qui tend à transformer en robot des êtres vivants. Aujourd'hui et plus que jamais notre humanité a besoin de retrouver cette solidarité chaleureuse qui a permis à la France de grandir et prospérer.

Le 16 mai 2013

Henri VII, Comte de Paris et Duc de France.

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Victor Hugo, Ultima verba (extraits)

... Quand même grandirait l'abjection publique
A ce point d'adorer l'exécrable trompeur ;
Quand même l'Angleterre et même l'Amérique
Diraient à l'exilé : - Va-t'en ! nous avons peur !

Quand même nous serions comme la feuille morte,
Quand, pour plaire à César, on nous renîrait tous ;
Quand le proscrit devrait s'enfuir de porte en porte,
Aux hommes déchiré comme un haillon aux clous ;

Quand le désert, où Dieu contre l'homme proteste,
Bannirait les bannis, chasserait les chassés ;
Quand même, infâme aussi, lâche comme le reste,
Le tombeau jetterait dehors les trépassés ;

Je ne fléchirai pas ! Sans plainte dans la bouche,
Calme, le deuil au cœur, dédaignant le troupeau,
Je vous embrasserai dans mon exil farouche,
Patrie, ô mon autel ! Liberté, mon drapeau !

 … Je serai, sous le sac de cendre qui me couvre,
La voix qui dit : malheur ! la bouche qui dit : non !
Tandis que tes valets te montreront ton Louvre,
Moi, je te montrerai, César, ton cabanon.

Devant les trahisons et les têtes courbées,
Je croiserai les bras, indigné, mais serein.
Sombre fidélité pour les choses tombées,
Sois ma force et ma joie et mon pilier d'airain !

… J'accepte l'âpre exil, n'eût-il ni fin ni terme,
Sans chercher à savoir et sans considérer
Si quelqu'un a plié qu'on aurait cru plus ferme,
Et si plusieurs s'en vont qui devraient demeurer.

Si l'on n'est plus que mille, eh bien, j'en suis ! Si même
Ils ne sont plus que cent, je brave encor Sylla ;
S'il en demeure dix, je serai le dixième ;
Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là !

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Antoine de Saint-Exupéry, Lettre à un otage (1943)

Cette qualité de la joie n’est-elle pas le fruit le plus précieux de la civilisation qui est nôtre ? Une tyrannie totalitaire pourrait nous satisfaire, elle aussi, dans nos besoins matériels. Mais nous ne sommes pas un bétail à l’engrais. La prospérité et le confort ne sauraient suffire à nous combler. Pour nous qui fûmes élevés dans le culte du respect de l’homme, pèsent lourd les simples rencontres qui se changent parfois en fêtes merveilleuses…
Respect de l’homme ! Respect de l’homme !… Là est la pierre de touche ! Quand le Naziste respecte exclusivement qui lui ressemble, il ne respecte rien que soi-même ; il refuse les contradictions créatrices, ruine tout espoir d’ascension, et fonde pour mille ans, en place d’un homme, le robot d’une termitière. L’ordre pour l’ordre châtre l’homme de son pouvoir essentiel, qui est de transformer et le monde et soi-même. La vie crée l’ordre, mais l’ordre ne crée pas la vie.
Il nous semble, à nous, bien au contraire, que notre ascension n’est pas achevée, que la vérité de demain se nourrit de l’erreur d’hier, et que les contradictions à surmonter sont le terreau même de notre croissance. Nous reconnaissons comme nôtres ceux mêmes qui diffèrent de nous. Mais quelle étrange parenté ! elle se fonde sur l’avenir, non sur le passé. Sur le but, non sur l’origine. Nous sommes l’un pour l’autre des pèlerins qui, le long de chemins divers, peinons vers le même rendez-vous.
Mais voici qu’aujourd’hui le respect de l’homme, condition de notre ascension, est en péril. Les craquements du monde moderne nous ont engagés dans les ténèbres. Les problèmes sont incohérents, les solutions contradictoires. La vérité d’hier est morte, celle de demain est encore à bâtir. Aucune synthèse valable n’est entrevue, et chacun d’entre nous ne détient qu’une parcelle de la vérité. Faute d’évidence qui les impose, les religions politiques font appel à la violence. Et voici qu’à nous diviser sur les méthodes, nous risquons de ne plus reconnaître que nous nous hâtons vers le même but.
Le voyageur qui franchit sa montagne dans la direction d’une étoile, s’il se laisse trop absorber par ses problèmes d’escalade, risque d’oublier quelle étoile le guide. S’il n’agit plus que pour agir, il n’ira nulle part. La chaisière de cathédrale, à se préoccuper trop âprement de la location de ses chaises, risque d’oublier qu’elle sert un dieu. Ainsi, à m’enfermer dans quelque passion partisane, je risque d’oublier qu’une politique n’a de sens qu’à condition d’être au service d’une évidence spirituelle. Nous avons goûté, aux heures de miracle, une certaine qualité des relations humaines : là est pour nous la vérité.
Quelle que soit l’urgence de l’action, il nous est interdit d’oublier, faute de quoi cette action demeurera stérile, la vocation qui doit la commander. Nous voulons fonder le respect de l’homme. Pourquoi nous haïrions-nous à l’intérieur d’un même camp ? Aucun d’entre nous ne détient le monopole de la pureté d’intention. Je puis combattre, au nom de ma route, telle route qu’un autre a choisie. Je puis critiquer les démarches de sa raison. Les démarches de la raison sont incertaines. Mais je dois respecter cet homme, sur le plan de l’Esprit, s’il peine vers la même étoile.
Respect de l’Homme ! Respect de l’Homme !… Si le respect de l’homme est fondé dans le cœur des hommes, les hommes finiront bien par fonder en retour le système social, politique ou économique qui consacrera ce respect. Une civilisation se fonde d’abord dans la substance. Elle est d’abord, dans l’homme, désir aveugle d’une certaine chaleur. L’homme ensuite, d’erreur en erreur, trouve le chemin qui conduit au feu.

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Théodore de BANVILLE, À la Patrie

Oui, je t'aimais, ô ma Patrie !
Quand, maîtresse des territoires,
Tu menais de ta main chérie
Le chœur éclatant des Victoires ;

Lorsque souriante et robuste
Et pareille aux Anges eux-mêmes
Tu mêlais sur ta tête auguste
Les lauriers et les diadèmes !

Vivant passé, que rien n'efface !
Les peuples, ô grande ouvrière,
N'osaient te regarder en face
Dans ta cuirasse de guerrière ;

Et toi, retrouvant dans ton rêve
L'âme de Pindare et d'Eschyle,
Tu portais, sans laisser ton glaive,
La lyre des Dieux, comme Achille !

Calme sous l'azur de tes voiles,
Et multipliant les prodiges,
Tu pouvais semer des étoiles
Sur les rênes de tes quadriges :

On louait ta blancheur de cygne
Et ton ciel, dont la transparence
Charme tes forêts et ta vigne ;
Ou disait : « Voyez ! C'est la France ! »

Oui, je t'aimais alors, ô Reine,
Menant dans tes champs magnifiques
Brillants d'une clarté sereine
Tous les triomphes pacifiques ;

Mais à présent, humiliée,
Sainte buveuse d'ambroisie,
Farouche, acculée, oubliée,
Je t'adore ! Avec frénésie

Je baise tes mains valeureuses,
A présent que l'éponge amère
Brûle tes lèvres douloureuses
Et que ton flanc saigne — ma mère !

Novembre 1870



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