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Anna de Noailles, Le cœur innombrable, « Le Pays » (1901)
Antoine de Saint-Exupéry, Lettre à un otage (1944)
Jean de Baulhoo, Livret de poésie de France, « Les vieilles âmes » (2012)
Tugdual
Derville, « Quand tu es accusé, ne convoque pas ton tribunal intérieur ! »
Les amis, soyons
lucides : tout est fait pour pourrir l’image de notre magnifique mouvement au
moyen de procédés dialectiques manipulateurs bien référencés (amalgame,
isolement, transfert d’émotion, procès d’intention, récupération historique…).
La paix du cœur, la sincère bienveillance et – n’ayons
pas peur des mots – l’amour sont insupportables à certains esprits chagrins,
fiévreux et tourmentés. Sans doute est-ce parce qu’ils souffrent ? N’est-ce pas
aussi parce qu’ils sentent bien que l’amour est plus fort que la haine ? Voilà
une raison de plus pour ne pas renoncer à notre non-violence intérieure.
Les amis, face au dénigrement, ne laissons pas l’esprit
d’accusation ruiner notre joie d’avoir agi au service du bien commun et du plus
fragile, selon la loi intime de notre conscience. Attention ! Toute dialectique
manipulatrice vise un seul et même effet ultime : provoquer en nous une «
conscience malheureuse » afin d’étouffer notre voix et notre esprit de
résistance. Autant est-il profitable de se remettre en question face à la
critique sincère et bienveillante, autant faut-il garder à l’esprit cette
précieuse maxime :
« Quand tu
es accusé, ne convoque pas ton tribunal intérieur ! »
Nous ne sommes donc aucunement responsables de la
haine que nous n’éprouvons pas et de la violence que nous réprouvons.
Ne laissons personne réécrire l’histoire de notre
mouvement pour le salir et nous culpabiliser. Défendons-le ! Restons-en fiers !
Et surtout poursuivons-le avec la fermeté paisible qui est notre marque
irrépressible.
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LE PAYS
Ma France, quand on a nourri son cœur latin
Du lait de votre Gaule,
Quand on a pris sa vie en vous, comme le thym,
La fougère et le saule,
Quand on a bien aimé vos forêts et vos eaux,
L’odeur de vos feuillages,
La couleur de vos jours, le chant de vos oiseaux,
Dès l’aube de son âge,
Quand amoureux du goût de vos bonnes saisons
Chaudes comme la laine,
On a fixé son âme et bâti sa maison
Au bord de votre Seine,
Quand on n’a jamais vu se lever le soleil
Ni la lune renaître
Ailleurs que sur vos champs, que sur vos blés
vermeils,
Vos chênes et vos hêtres,
Quand jaloux de goûter le vin de vos pressoirs,
Vos fruits et vos châtaignes,
On a bien médité dans la paix de vos soirs
Les livres de Montaigne,
Quand pendant vos étés luisants, où les lézards
Sont verts comme des fèves,
On a senti fleurir les chansons de Ronsard
Au jardin de son rêve,
Quand on a respiré les automnes sereins
Où coulent vos résines,
Quand on a senti vivre et pleurer dans son sein
Le cœur de Jean Racine,
Quand votre nom, miroir de toute vérité,
Émeut comme un visage,
Alors on a conclu avec votre beauté
Un si fort mariage
Que l’on ne sait plus bien, quand l’azur de votre œil
Sur le monde flamboie,
Si c’est dans sa tendresse ou bien dans son orgueil
Qu’on a le plus de joie…
Anna de Noailles, Le cœur innombrable
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Antoine de Saint-Exupéry, Lettre à un otage
Le voyageur qui franchit sa montagne dans la direction
d’une étoile, s’il se laisse trop absorber par ses problèmes d’escalade, risque
d’oublier quelle étoile le guide. S’il n’agit plus que pour agir, il n’ira
nulle part.
La chaisière de cathédrale, à se préoccuper trop
âprement de la location de ses chaises, risque d’oublier qu’elle sert un… Dieu.
Ainsi, à m’enfermer dans quelque passion partisane, je
risque d’oublier qu’une politique n’a de sens qu’à condition d’être au service
d’une évidence spirituelle.
Nous avons goûté, aux heures de miracle, une certaine
qualité des relations humaines : là est pour nous la vérité.
Quelle que soit l’urgence de l’action, il nous est
interdit d’oublier, faute de quoi cette action demeurera stérile, la vocation
qui doit la commander. Nous voulons fonder le respect de l’homme. Pourquoi nous
haïrions-nous à l’intérieur d’un même camp ? Aucun d’entre nous ne détient le
monopole de la pureté d’intention. Je puis combattre, au nom de ma route, telle
route qu’un autre a choisie. Je puis critiquer les démarches de sa raison.
Les démarches de la raison sont incertaines. Mais je
dois respecter cet homme, sur le plan de l’esprit, s’il peine vers la même
étoile.
Respect de l’homme ! Respect de l’homme !… Si le
respect de l’homme est fondé dans le cœur des hommes, les hommes finiront bien
par fonder en retour le système social, politique ou économique qui consacrera
ce respect. Une civilisation se fonde d’abord dans la substance. Elle est
d’abord, dans l’homme, désir aveugle d’une certaine chaleur. L’homme ensuite,
d’erreur en erreur, trouve le chemin qui conduit au feu.
***************
LES
VIEILLES ÂMES
Les
vieilles âmes sont attachées
A des
fils suspendus
Qui
montent dans les nuées ;
La
terre emballée,
De
tourner continue,
Dans
le bruit, les fumées ;
C’est
Dieu qui de là-haut
Les
descend parfois,
Débrouiller
quelques écheveaux,
Éclairer
ce qui vaut,
Que
d’autrefois
On
aurait oublié trop ;
Mais
les brins de lumière
Qui
les relient
Au
maître de l’univers,
Ne
peuvent sur la terre
Être
dits
A la
gent ordinaire ;
Eux
ne savent pas,
Les
braves gens,
Que
la foudre ici-bas,
A
chaque fois
Qu’elle
descend
Jusqu’à
nous ses éclats,
Emmène
avec elle
Les
vieux esprits
De
retour au ciel ;
Le Père
les rappelle,
Les
tient à l’abri
Sous
son aile ;
De
divine onction
Revigorés,
Ils
repartiront,
Chargés
de mission,
Faire
germer,
Les
états d’oraison.
Jean
de Baulhoo
Livret
de poésie de France
La
Nouvelle Pléiade, 2012
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