vendredi 15 novembre 2013

Textes lus lors de notre 28ème veillée - 15 novembre 2013

Si vous le souhaitez, vous pouvez lire notre page en écoutant de la musique
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Tugdual Derville, « Quand tu es accusé, ne convoque pas ton tribunal intérieur ! » (6 juin 2013)
Anna de Noailles, Le cœur innombrable, « Le Pays » (1901)
Antoine de Saint-Exupéry, Lettre à un otage (1944)
Jean de Baulhoo, Livret de poésie de France, « Les vieilles âmes » (2012)

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Tugdual Derville, « Quand tu es accusé, ne convoque pas ton tribunal intérieur ! »

Les amis, soyons lucides : tout est fait pour pourrir l’image de notre magnifique mouvement au moyen de procédés dialectiques manipulateurs bien référencés (amalgame, isolement, transfert d’émotion, procès d’intention, récupération historique…).

La paix du cœur, la sincère bienveillance et – n’ayons pas peur des mots – l’amour sont insupportables à certains esprits chagrins, fiévreux et tourmentés. Sans doute est-ce parce qu’ils souffrent ? N’est-ce pas aussi parce qu’ils sentent bien que l’amour est plus fort que la haine ? Voilà une raison de plus pour ne pas renoncer à notre non-violence intérieure.

Les amis, face au dénigrement, ne laissons pas l’esprit d’accusation ruiner notre joie d’avoir agi au service du bien commun et du plus fragile, selon la loi intime de notre conscience. Attention ! Toute dialectique manipulatrice vise un seul et même effet ultime : provoquer en nous une « conscience malheureuse » afin d’étouffer notre voix et notre esprit de résistance. Autant est-il profitable de se remettre en question face à la critique sincère et bienveillante, autant faut-il garder à l’esprit cette précieuse maxime :

    « Quand tu es accusé, ne convoque pas ton tribunal intérieur ! »

Nous ne sommes donc aucunement responsables de la haine que nous n’éprouvons pas et de la violence que nous réprouvons.

Ne laissons personne réécrire l’histoire de notre mouvement pour le salir et nous culpabiliser. Défendons-le ! Restons-en fiers ! Et surtout poursuivons-le avec la fermeté paisible qui est notre marque irrépressible.

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LE PAYS

Ma France, quand on a nourri son cœur latin
Du lait de votre Gaule,
Quand on a pris sa vie en vous, comme le thym,
La fougère et le saule,

Quand on a bien aimé vos forêts et vos eaux,
L’odeur de vos feuillages,
La couleur de vos jours, le chant de vos oiseaux,
Dès l’aube de son âge,

Quand amoureux du goût de vos bonnes saisons
Chaudes comme la laine,
On a fixé son âme et bâti sa maison
Au bord de votre Seine,

Quand on n’a jamais vu se lever le soleil
Ni la lune renaître
Ailleurs que sur vos champs, que sur vos blés vermeils,
Vos chênes et vos hêtres,

Quand jaloux de goûter le vin de vos pressoirs,
Vos fruits et vos châtaignes,
On a bien médité dans la paix de vos soirs
Les livres de Montaigne,

Quand pendant vos étés luisants, où les lézards
Sont verts comme des fèves,
On a senti fleurir les chansons de Ronsard
Au jardin de son rêve,

Quand on a respiré les automnes sereins
Où coulent vos résines,
Quand on a senti vivre et pleurer dans son sein
Le cœur de Jean Racine,

Quand votre nom, miroir de toute vérité,
Émeut comme un visage,
Alors on a conclu avec votre beauté
Un si fort mariage

Que l’on ne sait plus bien, quand l’azur de votre œil
Sur le monde flamboie,
Si c’est dans sa tendresse ou bien dans son orgueil
Qu’on a le plus de joie…
 
Anna de Noailles, Le cœur innombrable

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Antoine de Saint-Exupéry, Lettre à un otage

Le voyageur qui franchit sa montagne dans la direction d’une étoile, s’il se laisse trop absorber par ses problèmes d’escalade, risque d’oublier quelle étoile le guide. S’il n’agit plus que pour agir, il n’ira nulle part.
La chaisière de cathédrale, à se préoccuper trop âprement de la location de ses chaises, risque d’oublier qu’elle sert un… Dieu.
Ainsi, à m’enfermer dans quelque passion partisane, je risque d’oublier qu’une politique n’a de sens qu’à condition d’être au service d’une évidence spirituelle.
Nous avons goûté, aux heures de miracle, une certaine qualité des relations humaines : là est pour nous la vérité.
Quelle que soit l’urgence de l’action, il nous est interdit d’oublier, faute de quoi cette action demeurera stérile, la vocation qui doit la commander. Nous voulons fonder le respect de l’homme. Pourquoi nous haïrions-nous à l’intérieur d’un même camp ? Aucun d’entre nous ne détient le monopole de la pureté d’intention. Je puis combattre, au nom de ma route, telle route qu’un autre a choisie. Je puis critiquer les démarches de sa raison.
Les démarches de la raison sont incertaines. Mais je dois respecter cet homme, sur le plan de l’esprit, s’il peine vers la même étoile.
Respect de l’homme ! Respect de l’homme !… Si le respect de l’homme est fondé dans le cœur des hommes, les hommes finiront bien par fonder en retour le système social, politique ou économique qui consacrera ce respect. Une civilisation se fonde d’abord dans la substance. Elle est d’abord, dans l’homme, désir aveugle d’une certaine chaleur. L’homme ensuite, d’erreur en erreur, trouve le chemin qui conduit au feu.

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            LES VIEILLES ÂMES

            Les vieilles âmes sont attachées
            A des fils suspendus
            Qui montent dans les nuées ;

            La terre emballée,
            De tourner continue,
            Dans le bruit, les fumées ;

            C’est Dieu qui de là-haut
            Les descend parfois,
            Débrouiller quelques écheveaux,

            Éclairer ce qui vaut,
            Que d’autrefois
            On aurait oublié trop ;

            Mais les brins de lumière
            Qui les relient
            Au maître de l’univers,

            Ne peuvent sur la terre
            Être dits
            A la gent ordinaire ;
  
            Eux ne savent pas,
            Les braves gens,
            Que la foudre ici-bas,

            A chaque fois
            Qu’elle descend
            Jusqu’à nous ses éclats,

            Emmène avec elle
            Les vieux esprits
            De retour au ciel ;

            Le Père les rappelle,
            Les tient à l’abri
            Sous son aile ;

            De divine onction
            Revigorés,
            Ils repartiront,

            Chargés de mission,
            Faire germer,
            Les états d’oraison.


            Jean de Baulhoo
            Livret de poésie de France
            La Nouvelle Pléiade, 2012

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