dimanche 30 mars 2014

Ô mères, l'enfant (nouveau chant)

Ô MÈRES, L'ENFANT (d'après l'air traditionnel de Greensleeves)

Lien vers la vidéo musicale (vidéo non répertoriée)
Partition téléchargeable au format Pdf


Voici les paroles (d'après Victor Hugo) :

Ô mères, l’enfant


I

Ô mères, l’enfant qui joue à votre seuil joyeux,
Plus frêle que les fleurs, plus serein que les cieux,
Vous conseille l’amour, la pudeur, la sagesse.
L’enfant est un feu pur dont la chaleur caresse,
De la gaîté sainte et du bonheur sacré,
C’est le nom paternel dans un rayon doré.

II

Ô mères, l'enfant qu'on pleure et qui s'en est allé,
Si vous levez vos fronts vers le ciel constellé,
Verse à votre douleur une lumière auguste.
Car l'innocent éclaire aussi bien que le juste !
Derrière la nuit où votre âme en deuil s'exile,
Il montre à vos yeux Dieu profond et tranquille.

III

Ô mères, l'enfant, vivant ou mort, rayonne toujours
Sur cette terre où rien ne va loin sans secours,
Dans nos jours incertains et nos doutes moqueurs.
Vivant, l'enfant fait voir le devoir à vos cœurs,
Et mort, c'est le vrai qu'à votre âme il dévoile :
Ici c'est un flambeau, là-haut c'est une étoile.


                                               D'après Victor Hugo, Les rayons et les ombres

samedi 22 mars 2014

André Chouraqui, Retour aux racines (texte lu à la veillée du 20 mars 2014)



André Chouraqui, Retour aux racines, Entretiens avec Jacques Deschanel, 1981

- Effectivement, vous êtes, je dirais, tellement monothéiste qu'on a l'impression que vous êtes également à l'aise pour prier dans une synagogue, pour prier dans une église ou pour prier dans une mosquée. Je me souviens de vous avoir accompagné à l'office chez les religieuses dominicaines de Tréviers, j'ai été extrêmement surpris de l'attention profonde qui était la vôtre.

- La chose mérite d'être soulignée, parce que, pendant des décennies, pendant des centenaires, mes ancêtres étaient mis dans le ghetto par des sociétés, soit chrétiennes soit islamiques, qui du même coup se cloisonnaient et du même coup créaient, quant à elles-mêmes, un ghetto. Mais je pense réellement que, si nous adorons un Dieu infini, tel que nous prétendons le faire, nous devons d'abord échapper à tout cloisonnement, qu'il soit sociologique, religieux ou national, afin de retrouver nos authenticités propres, et l'authenticité propre du visage de Dieu, des « faces d'Elohim ». Lorsque je mets un écran entre Dieu et moi, quel que soit cet écran, je suis déjà ce que les théologiens juifs du Moyen Âge appelaient un idolâtre, un adorateur d'idoles. Aimer Dieu, c'est l'asymptote qui doit me conduire en dehors de tout cadre de pensée, de tout cadre créé, aux sources mêmes de l'être. En dehors de cela, on reste prisonnier du mental et asservi à ses limites.

jeudi 20 mars 2014

Textes lus lors de notre 32ème veillée - 20 mars 2014

Si vous le souhaitez, vous pouvez lire notre page en écoutant de la musique
(fichier téléchargeable)

Il faut que les principes d'une politique soient faits de justice et de vérité.
DÉMOSTHÈNE
                         

À l'occasion de l'examen d'une guérison « inexplicable » attribuée du bienheureux Jerzy Popieluszko, martyr de la foi, nos deux premières veillées de l'année 2014 sont consacrées à l'aumônier du syndicat Solidarnosc, assassiné à 37 ans, le 19 octobre 1984, et au thème de la Vérité.

Jerzy Popieluszko, Sermons pour la patrie, « L'Amour et la Vérité » (mai 1984)
Karol Wojtyla, Profils du Cyrénéen, L'ouvrier d'une usine d'armements (1978)
Jerzy Popieluszko, Sermons pour la patrie, « Éducation et Vérité » (1984)
Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, Brumes et pluies (1857)

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« L’Amour et la Vérité »

Extraits d'une homélie prononcée en mai 1984 par le P. Jerzy Popieluszko.

            « La vérité est toujours liée à l’amour et l’amour est exigeant, l’amour véritable requiert des sacrifices, aussi la vérité, elle aussi, doit-elle coûter. La vérité qui ne coûte rien est un mensonge. Vivre dans la vérité, c’est être en accord avec sa conscience. La vérité unit et relie les gens. La grandeur de la vérité effraie et démasque les mensonges des médiocres et des peureux. La lutte ininterrompue pour la vérité dure depuis des siècles. La vérité est pourtant immortelle, et le mensonge périt d’une mort rapide. Écoutons le Cardinal Wyszynski : il suffit de peu de gens parlant en vérité. Christ en a choisi un petit nombre pour proclamer sa vérité. Seuls les mots mensongers doivent être nombreux car le mot mensonge est  détaillé et se monnaie : il se débite comme la marchandise sur les rayons, il doit être constamment renouvelé, il doit avoir de multiples serviteurs, qui, selon un programme, l’apprendront pour aujourd’hui, pour demain, pour un mois. Pour maîtriser la technique du mensonge ainsi programmé, il faut des hommes en quantité. Il suffit de quelques-uns pour proclamer la vérité.  Il suffit d’un petit groupe de gens qui luttent pour la vérité pour rayonner. La condition essentielle de la libération de l’homme, pour lui permettre de vivre en vérité, est d’acquérir la vertu du courage. La lutte pour la vérité est le symbole du courage chrétien. La vertu de courage est une victoire sur la faiblesse humaine, victoire sur la peur et la crainte. Car la seule chose dont il convient d’avoir peur dans la vie est la trahison du Christ pour quelques deniers de calme éphémère. Ce n’est pas facile aujourd’hui, lorsque d’office, durant les dernières décennies, sur le sol natal on a semé les graines du mensonge et de l’athéisme, on a semé les graines du laïcisme ; cette vue du monde est un produit caricatural du capitalisme et de la franc-maçonnerie du dix-neuvième siècle. On les a semées dans un pays, qui depuis plus de mille ans est solidement ancré dans le christianisme. On ne peut tromper la vie, tout comme on ne peut tromper la terre. «  Malheur à la société dont les citoyens ne sont pas guidés par le courage ! Ils cessent alors d’être des citoyens, pour devenir de simples esclaves. Si le citoyen renonce à la vertu du courage, il devient esclave et se cause le plus grand des torts, à lui-même, à sa personne, mais aussi à sa famille, à son groupe professionnel, à la Nation, à l’État et à l’Église, même si la peur et la crainte lui font facilement obtenir du pain et des avantages… »
            « Prenons conscience que la Nation dépérit lorsqu’elle manque de courage, lorsqu’elle se ment à elle-même en disant que tout va bien, quand tout va mal, lorsqu’elle se contente de demi-vérités. Soyons conscients qu’en exigeant la vérité nous devons nous-mêmes vivre en vérité ; que cette conscience nous accompagne chaque jour. En exigeant la justice, soyons justes envers nos proches. En exigeant le courage, soyons chaque jour courageux. »

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L’ouvrier d’une usine d’armements

En 1978, Karol Wojtyla, évêque de Cracovie, publie le poème Profils du Cyrénéen. Cette œuvre qui remonte à 1957 est inspirée de la figure de Simon de Cyrène qui dans l’Évangile aida le Christ à porter sa croix : « Et ils forcèrent un certain Simon, Cyrénéen, qui passait par là venant de la campagne à porter sa croix » (Mc 15, 21). Dans ce poème, K. Wojtyla évoque tous ces nouveaux Simon qui portent leur croix aujourd’hui, leur croix de mélancolique, de schizophrène, d’aveugles, d’acteur, de fille déçue en amour, d’ouvrier d’une usine d’automobile, d’ouvrier d’une usine d’armements :

Je ne pèse pas sur le sort du globe,
est-ce que je déclenche les guerres ?
pour ou contre Toi _ est-ce que je sais ?
je ne commets pas de péché.
Pourtant ça me ronge de ne pas peser,
de ne pas pécher.
Je tourne des écrous, je façonne
des fragments de mort,
je ne saisis jamais l’ensemble
du destin de tous.
J’aurais pu concevoir un ensemble autre
(sans ses petits fragments ?),
tous les hommes y seraient sacrés,
préservés d’être détruits par leurs propres actes,
préservés d’être déformés par le mensonge.
Si le monde que j’ouvrage n’est pas bon,
le mal dans ce monde n’est certes pas de mon fait.
Mais cela suffit-il ?

Karol Wojtyla, Profils du Cyrénéen, L’ouvrier d’une usine d’armements (1978)

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« Éducation et Vérité »

Extraits d'homélies prononcées en 1984 par le P. Jerzy Popieluszko.

            « Seule une Nation libre spirituellement et amoureuse de la vérité peut durer et créer pour l’avenir. Seule une nation saine d’esprit et consciente peut courageusement créer son avenir. On conquiert les gens le cœur ouvert et non les poings fermés. La vraie sagesse, la vraie connaissance, la vraie culture ne peuvent être enchaînées. Il n’est pas possible d’enchaîner les esprits humains. Garder sa dignité d’homme, c’est demeurer intérieurement libre même dans l’esclavage extérieur. Rester soi-même dans toutes les situations de la vie. C’est demeurer dans la vérité, même si cela devait nous coûter cher. Car dire la vérité coûte cher. Seule l’ivraie est de vil prix. Il faut payer pour le grain de la vérité. Toute chose, toute grande cause doit coûter et doit être difficile. Il n’y a que les choses petites et médiocres qui sont faciles. Déjà le poète Novalis disait : “L’homme s’appuie sur la vérité. S’il trahit la vérité, il se trahit. Celui qui trahit la vérité, se trahit lui-même.” Le mensonge avilit la dignité humaine et est l’apanage des esclaves, des pusillanimes. »
            « Nous sommes des enfants de la Nation qui, depuis plus de mille ans, chante la gloire du Dieu Unique dans la Trinité. C’est pourquoi, dans l’éducation actuelle, on ne peut se couper de ce qui a constitué la Pologne au cours de mille années. On ne doit ni le rayer, ni le déformer. Dans son travail, l’école devrait dépendre des parents. L’école ne doit pas détruire dans les âmes enfantines les valeurs qui y ont été inculquées par la famille. Le pouvoir ne doit pas imposer sa religion, ni sa conception de la vie. Il ne doit pas dicter ce que doivent et ne doivent pas croire les citoyens. Car n’est-ce pas imposer la religion athée et manquer de tolérance que de refuser une presse catholique dans un pays catholique où prolifère une presse laïque ?
            L’une des causes de nos malheurs contemporains, matériels et moraux, est que l’on a refusé obstinément la place au Christ, notamment à l’école et au travail, dans l’éducation des enfants et des jeunes. On a menacé de sanctions pénales les enseignants qui facilitaient aux enfants la participation au catéchisme. Car celui qui brade sa foi et ses idéaux est prêt à sacrifier un homme. Nous devons faire tout notre possible pour ne pas laisser fermer la bouche ni aux enfants, ni aux jeunes, ni à la Nation. »
            « La justice interdit de détruire dans les âmes des enfants et des jeunes, les valeurs chrétiennes apprises par les parents, valeurs qui se sont vérifiées tout au long de notre Histoire millénaire. Rendre la justice et réclamer la justice est le devoir de tous ; déjà Platon disait : « Quand la justice se tait, les temps sont mauvais. » La justice envers soi-même oblige à filtrer honnêtement à travers sa propre raison et sa propre observation toute cette avalanche de mots propulsés par la « machine de la propagande ».
            (Et se tournant vers les jeunes) : « Mes chers jeunes amis, vous devez avoir en vous un cœur d’aigle et un regard d’aigle. Vous devez tremper votre âme et l’élever très haut, pour pouvoir tels les aigles survoler toute la volaille, en marche vers l’avenir de notre Patrie. Ce n’est qu’en ressemblant à des aigles que vous pourrez affronter les vents, les orages, et les tempêtes de l’Histoire, sans vous laisser mener à l’esclavage. Souvenez-vous-en ! Les aigles sont des oiseaux libres car ils volent haut dans le ciel et ne se vautrent pas à terre. » « Les années qui ont suivi la deuxième guerre mondiale ne sont qu’une suite de luttes pour le monopole de l’éducation athée, de l’éducation sans Dieu, de l’extirpation de Dieu du cœur des enfants et des jeunes. Pour son travail, l’école éducatrice devrait dépendre des parents, car les enfants appartiennent aux parents. Ce n’est pas l’État, mais les mères qui mettent au monde les enfants. Pour cette raison, l’école ne doit pas détruire dans l’âme des enfants les valeurs que la famille leur enseigne. L’enseignant doit être pour l’élève un ami qui dit la vérité. »

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Charles Baudelaire (1821-1867).
Recueil : Les fleurs du mal (1857).

Brumes et pluies.

Ô fins d'automne, hivers, printemps trempés de boue,
Endormeuses saisons ! je vous aime et vous loue
D'envelopper ainsi mon cœur et mon cerveau
D'un linceul vaporeux et d'un vague tombeau.

Dans cette grande plaine où l'autan froid se joue,
Où par les longues nuits la girouette s'enroue,
Mon âme mieux qu'au temps du tiède renouveau
Ouvrira largement ses ailes de corbeau.

Rien n'est plus doux au cœur plein de choses funèbres,
Et sur qui dès longtemps descendent les frimas,
Ô blafardes saisons, reines de nos climats,

Que l'aspect permanent de vos pâles ténèbres,
- Si ce n'est, par un soir sans lune, deux à deux,
D'endormir la douleur sur un lit hasardeux.