vendredi 17 octobre 2014

Textes lus lors de notre 45ème veillée - 17 octobre 2014

Si vous le souhaitez, vous pouvez lire notre page en écoutant de la musique
(fichier téléchargeable)

« L'arc se rompt s'il est trop tendu,
mais l'âme se perd si elle se relâche. »
SAINT IGNACE DE LOYOLA
                         
Théophile Gautier, Émaux et Camées, « Ce que disent les hirondelles » (1852)
Jean-Pier Delaume-Myard, « Des enfants endoctrinés... » (8 mars 2014)
Jules Laforgue, « À la mémoire d'une chatte naine que j'avais » (1877)
Edith Stein, La femme (années 1930)
Théodore de Banville, Les Rondels, « La Lune » (1874)

======================================================================================
Ce que disent les hirondelles (extraits)

Déjà plus d’une feuille sèche
Parsème les gazons jaunis
;
Soir et matin, la brise est fraîche
:
Hélas
! les beaux jours sont finis!

On voit s’ouvrir les fleurs que garde
Le jardin, pour dernier trésor
:
Le dahlia met sa cocarde,
Et le souci sa toque d’or.

La pluie au bassin fait des bulles
;
Les hirondelles sur le toit
Tiennent des conciliabules
:
Voici l’hiver, voici le froid
!...
Je comprends tout ce qu'elles disent,
Car le poète est un oiseau ;
Mais, captif ses élans se brisent
Contre un invisible réseau !

Des ailes ! des ailes ! des ailes !
Comme dans le chant de Ruckert,
Pour voler, là-bas avec elles
Au soleil d'or, au printemps vert !

Théophile GAUTIER
ÉMAUX ET CAMÉES (1852)

***************

Des enfants endoctrinés par des théories féministes ne seront en rien des personnes libres…
Extraits du discours de Jean-Pier Delaume-Myard, Porte-Parole de La Manif Pour Tous, lors du Grenelle de la Famille, le 8 mars 2014.
« Cher(e)s ami(e)s, depuis le début de mon engagement, je n’ai eu de cesse de répéter que je suis homosexuel et pas gay. Si je précise de nouveau cela, à l’occasion du bilan de notre grenelle de la Famille, c’est que cette distinction n’est en rien une subtilité linguistique de ma part. Elle revêt une réalité qui est la cause de ce qui s’est passé hier aux États-Unis, ce qui se passe aujourd’hui en France, et ce qui se passera demain dans toute l’Europe, contre la Famille. Le lobby gay est déterminé à détruire, et peu importe les moyens, les institutions du mariage et de la famille ; aidé en cela par certains lobbies féministes, comme les femen, mais pas seulement.
Après la loi Taubira pour le mariage entre personnes de même sexe, voici que maintenant risque d’arriver les conséquences directes de celle-ci, la PMA et la GPA.
Le désir d'enfant, et je le sais, est une réalité sincère et douloureuse, mais nous homosexuels, nous n’avons pas à demander, pour autant, à la société de bricoler quelque chose pour transformer cette réalité-là
(...)
L’enfant n’a pas à être traité comme un cobaye. Il n’a pas à s'adapter à une dictature « homo-parentale ».
Le gouvernement, à force de vouloir faire des lois et des concessions pour le lobby gay, fait de l’apartheid non seulement vis-à-vis des autres citoyens, mais plus encore vis-à-vis des homosexuels eux-mêmes. Et je dis bien de l’apartheid, c’est-à-dire une politique ultra-minoritaire et communautariste à l’encontre d’une majorité de Français.
Pour faire croire qu’un homme avec un homme ou une femme avec une femme pouvait avoir un enfant, on nous impose l’idéologie du genre. On nous dit « Mensonge ! » lorsqu’on l’évoque.
Nous avons beau brandir « Papa porte une robe », « Tango a deux papas » ou bien encore « Jean a deux mamans », on nous dit que nous sommes d’affreux réactionnaires.
N’ayons pas peur de dire haut et fort que des enfants endoctrinés par des théories féministes ne seront en rien demain des personnes libres, mais des esclaves bien plus que le machisme qu’elles sont censées combattre.
Une Nation construite ainsi ne pourra adhérer qu’aux idées les plus ridicules et les plus aberrantes, et cela avec la même servilité.
J’aimerais faire une comparaison hasardeuse, mais en réalité je ne le pense pas.
Le 4 décembre 2013, la majorité a adopté une loi pénalisant les clients de prostitués.
Si la GPA passe au détour de la PMA, est-ce que le fait de se servir du corps d’une femme contre rémunération ne sera-t-il pas considéré comme un acte du coup répréhensible par la loi ?
Ce n’est pas seulement moi qui m’interroge ainsi, mais la ministre des droits de la femme elle-même quand elle a dit devant l’Assemblée nationale, je cite :
« La détresse de l’un ne se soigne pas par l’exploitation de la détresse de l’autre. Elle n’est jamais une justification… Depuis quand notre pays admettrait-il que la liberté aille au-delà de ce qui ne nuit pas à autrui ? Depuis quand privilégierions une souffrance par rapport à une autre ? Depuis quand le corps humain devrait-il être assimilé à un médicament ? Depuis quand se soignerait-on aux dépens d’une autre personne ? »
Pour une fois, vous avez raison, Madame la Ministre.
(...) Lorsque je vois que ce sont des femmes elles-mêmes qui veulent exploiter la misère d’autres femmes, je me dis : Dans quel monde vit-on ? Femmes réveillez-vous ! Indignez-vous, comme aurait dit Stéphane Hessel. »
***************

À la mémoire d'une chatte naine que j'avais

Ô Mon beau chat frileux, quand l’automne morose
Faisait glapir plus fort les mômes dans les cours,
Combien passâmes-nous de ces spleeniques jours
À rêver face à face en ma chambre bien close.

Lissant ton poil soyeux de ta langue âpre et rose
Trop grave pour les jeux d’autrefois et les tours,
Lentement tu venais de ton pas de velours
Devant moi t’allonger en quelque noble pose.

Et je songeais, perdu dans tes prunelles d’or
— Il ne soupçonne rien, non, du globe stupide
Qui l’emporte avec moi tout au travers du Vide,

Rien des Astres lointains, des Dieux ni de la Mort ?
Pourtant !... quels yeux profonds !... parfois... il m’intimide
Saurait-il donc le mot ? — Non, c’est le Sphinx encor.

Jules LAFORGUE

***************
Édith Stein & la femme
ÉDITH Stein, La femme. Cours et conférences.
Les conférences et le cours magistral d'Edith Stein sur le thème de la femme datent des années trente.
« Seul celui qu’une ardente passion pour le combat a aveuglé peut nier ce fait patent que le corps et l’âme de la femme sont formés en vue d’une fin particulière. Et la parole limpide et irréfutable de l’Ecriture exprime ce que l’expérience quotidienne enseigne depuis l’origine du monde, à savoir que la femme est destinée à être la compagne de l’homme et la mère des êtres humains. Son corps est doté des propriétés requises à cette fin, mais sa spécificité psychique est également à l’avenant. Qu’il existe cette spécificité psychique, c’est derechef un fait empirique évident ; mais cela découle aussi du principe anima forma corporis (l’âme est la forme du corps), posé par saint Thomas. Là où les corps sont de nature si radicalement différente, il doit forcément aussi exister – malgré tous les traits communs à la nature humaine – un type d’âme différent. »
« Je suis convaincue de ce que l’espèce humaine se déploie en tant qu’espèce binaire, l’"homme" et la "femme", que la nature de l’être humain, auquel aucun trait caractéristique ne saurait manquer ici comme là, se manifeste sous une forme binaire, et que toute sa constitution essentielle révèle son empreinte spécifique. Ainsi, ce n’est pas seulement le corps qui est constitué différemment, ce ne sont pas seulement les diverses fonctions physiologiques individuelles qui diffèrent, mais c’est toute la vie somatique qui est autre : autres, les rapports entre l’âme et le corps, autres, à l’intérieur du psychisme, les rapports entre l’esprit et les sens comme les rapports des facultés spirituelles entre elles. A l’espèce féminine correspondent l’unité et l’homogénéité de toute la personne somato-psychique, l’épanouissement harmonieux des facultés, tandis qu’à l’espèce masculine correspond le développement plus intense de quelques facultés en vue de leurs réalisations maximales. »
La femme éducatrice :
« L’amour authentiquement maternel, dans lequel l’enfant s’épanouit comme les plantes à la douce chaleur du soleil, sait que l’enfant n’est pas là pour la mère : ainsi, il n’est pas là comme un jouet pour meubler son temps vide, il n’est pas là pour assouvir sa soif de tendresse, il n’est pas là pour satisfaire sa vanité ou son ambition. L’enfant est une créature de Dieu, qui doit développer sa nature de la façon la plus pure et la plus épanouie qui soit, et qui doit la faire se mettre ensuite en action à sa place dans le grand organisme formé par l’humanité. C’est à la mère qu’il incombe de se mettre au service de son épanouissement, de se mettre en silence à l’écoute de sa nature, de la laisser se développer tranquillement là où il n’est pas nécessaire d’intervenir, et d’intervenir là où il est nécessaire de conduire et de réfréner. »
***************

Théodore de BANVILLE (1823-1891).
Recueil : Les Rondels (1874).

La Lune

Avec ses caprices, la Lune
Est comme une frivole amante ;
Elle sourit et se lamente,
Et vous fuit et vous importune.

La nuit, suivez-la sur la dune,
Elle vous raille et vous tourmente ;
Avec ses caprices, la Lune
Est comme une frivole amante.

Et souvent elle se met une
Nuée en manière de mante ;
Elle est absurde, elle est charmante ;
Il faut adorer sans rancune,
Avec ses caprices, la Lune.

vendredi 3 octobre 2014

Textes lus lors de notre 44ème veillée - 3 octobre 2014

Si vous le souhaitez, vous pouvez lire notre page en écoutant de la musique
(fichier téléchargeable)

« Les victoires politiques se préparent
par des conquêtes culturelles. »
ANTONIO GRAMSCI
                         
François-Xavier Bellamy, « Au commencement est la culture » (août 2014)
Joachim Du Bellay, Regrets, IX, « France, mère des arts, des armes et des lois » (1558)
George Orwell, 1984, « La novlangue » (1949)
Théodore de Banville, Les Cariatides, « L'Automne » (1842)

======================================================================================
Au commencement est la culture
Chronique parue dans Famille Chrétienne du 9 août 2014, par François-Xavier Bellamy, philosophe et adjoint au maire de Versailles.
Ce n’est pas de la politique que viennent les révolutions, mais de la culture, c’est-à-dire de tout ce qui constitue le regard que nous portons collectivement sur le réel. N’est-ce pas ce que confirment nos expériences les plus récentes ? Pour que soit votée la loi Taubira, par exemple, il a fallu qu’une grande partie de nos contemporains en vienne à regarder le mariage comme un droit, par exemple ; ou à ne plus voir de différence significative entre un père et une mère. Car cette différence n’est pas tout à fait « élémentaire »…
L’erreur de la postmodernité est d’affirmer qu’il n’y a pas de vérité et, partant, de ne plus rien croire ; mais l’illusion contraire de ceux qui partagent des convictions fortes, c’est de penser qu’il y a des évidences – c’est-à-dire, littéralement, des réalités qui se font voir d’elles-mêmes. La réalité n’est pas une construction artificielle ; mais elle ne nous saute pas pour autant aux yeux : il faut pour la voir une culture qui nous ait appris à la contempler.
Une lente maturation
Que tous les hommes partagent une même nature et une égale dignité, voilà qui nous semble sans doute élémentaire. Mais cette incontestable vérité est si peu évidente qu’il aura fallu des siècles de maturation intellectuelle et spirituelle pour que les sociétés finissent par la découvrir. Aristote, pourtant si grand observateur, voyait entre hommes libres et esclaves des différences de nature ; la culture qui l’avait formé ne lui laissait même pas la possibilité d’en douter. Il fallait le stoïcisme, la révélation chrétienne, le travail des philosophes et des théologiens du Moyen Âge peu à peu absorbé par l’art et par les mœurs, pour aboutir finalement à l’abolition de l’esclavage.
Sans doute les politiques qui portèrent cette révolution pensaient-ils faire l’histoire ; ce qu’ils ne savaient pas, c’est qu’ils se contentaient de tenir la plume pour prendre acte de ce qui s’était joué avant eux. Car les vrais changements se gagnent, ou se perdent, dans le vaste, long et silencieux travail de la culture.
Le rôle de l’Église
Comme il est étonnant que nous l’ayons oublié ! Tout notre héritage nous le rappelle pourtant. Partout où l’Église est passée, elle a commencé par construire des écoles ; elle a inventé l’université, converti les fêtes, transmis pour les millénaires à venir le patrimoine artistique de l’humanité. Combien de missionnaires ont sauvé des langues locales en tentant de les habiter de l’universalité de l’Évangile ? Les chrétiens ont fait l’expérience que toute conversion commence par une parole – « Au commencement est le Verbe » –, et non l’action ; la culture, et non la politique. Comment l’avons-nous oublié ?
***************

Joachim Du Bellay (1522-1560).
Recueil : Les Regrets (1558).

France, mère des arts, des armes et des lois
France, mère des arts, des armes et des lois,
Tu m'as nourri longtemps du lait de ta mamelle :
Ores, comme un agneau qui sa nourrice appelle,
Je remplis de ton nom les antres et les bois.

Si tu m'as pour enfant avoué quelquefois,
Que ne me réponds-tu maintenant, ô cruelle ?
France, France, réponds à ma triste querelle.
Mais nul, sinon Écho, ne répond à ma voix.

Entre les loups cruels j'erre parmi la plaine,
Je sens venir l'hiver, de qui la froide haleine
D'une tremblante horreur fait hérisser ma peau.

Las, tes autres agneaux n'ont faute de pâture,
Ils ne craignent le loup, le vent ni la froidure :
Si ne suis-je pourtant le pire du troupeau.

***************

George Orwell, 1984, « La novlangue »

«  Ne voyez-vous pas que le véritable but du novlangue est de restreindre les limites de la pensée ? A la fin, nous rendrons littéralement impossible le crime par la pensée car il n’y aura plus de mots pour l’exprimer. Tous les concepts nécessaires seront exprimés chacun exactement par un seul mot dont le sens sera rigoureusement délimité. Toutes les significations subsidiaires seront supprimées et oubliées. Déjà, dans la onzième édition, nous ne sommes pas loin de ce résultat. Mais le processus continuera encore longtemps après que vous et moi nous serons morts. Chaque année, de moins en moins de mots, et le champ de la conscience de plus en plus restreint. Il n’y a plus, dès maintenant, c’est certain, d’excuse ou de raison au crime par la pensée. C’est simplement une question de discipline personnelle, de maîtrise de soi-même. Mais même cette discipline sera inutile en fin de compte. La Révolution sera complète quand le langage sera parfait. Le novlangue est l’angsoc et l’angsoc est le novlangue, ajouta-t-il avec une sorte de satisfaction mystique. Vous est-il jamais arrivé de penser, Winston, qu’en 2050, au plus tard, il n’y aura pas un seul être humain vivant capable de comprendre une conversation comme celle que nous tenons maintenant ? (…) Les prolétaires ne sont pas des êtres humains, dit-il négligemment. Vers 2050, plus tôt probablement, toute connaissance de l’ancienne langue aura disparu. Toute la littérature du passé aura été détruite. Chaucer, Shakespeare, Milton, Byron n’existeront plus qu’en versions novlangue. Ils ne seront pas changés simplement en quelque chose de différent, ils seront changés en quelque chose qui sera le contraire de ce qu’ils étaient jusque-là. Même la littérature du Parti changera. Même les slogans changeront. Comment pourrait-il y avoir une devise comme « La Liberté, c’est l’esclavage » alors que le concept même de la liberté aura été aboli ? Le climat total de la pensée sera autre. En fait, il n’y aura pas de pensée telle que nous la comprenons maintenant. Orthodoxie signifie non-pensant, qui n’a pas besoin de pensée. L’orthodoxie, c’est l’inconscience. »

***************

Théodore de Banville (1823-1891).
Recueil : Les Cariatides (1842).

L'Automne

Sois le bienvenu, rouge Automne,
Accours dans ton riche appareil,
Embrase le coteau vermeil
Que la vigne pare et festonne.

Père, tu rempliras la tonne
Qui nous verse le doux sommeil ;
Sois le bienvenu, rouge Automne,
Accours dans ton riche appareil.

Déjà la Nymphe qui s'étonne,
Blanche de la nuque à l'orteil,
Rit aux chants ivres de soleil
Que le gai vendangeur entonne.
Sois le bienvenu, rouge Automne.