mercredi 19 août 2015

Textes lus lors de notre 49ème veillée - 19 août 2015

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« On ne subit pas l'avenir, on le fait »
GEORGES BERNANOS
                         

Paul Eluard, Au rendez-vous allemand, « Faire vivre » (1944)
Albert de Mun, Discours au banquet de l'ALP (extrait) (19 décembre 1905)
Nérée Beauchemin, Les floraisons matutinales, « Le dernier gîte » (1897)
Victor Hugo, Choses vues, « La famille est le cristal de la société » (octobre 1830)

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Paul Eluard, Au rendez-vous allemand, « Faire vivre » (1944)

Ils étaient quelques-uns qui vivaient dans la nuit
En rêvant du ciel caressant

Ils étaient quelques-uns qui aimaient la forêt
Et qui croyaient au bois brûlant
L’odeur des fleurs les ravissait même de loin
La nudité de leurs désirs les recouvrait

Ils joignaient dans leur cœur le souffle mesuré
A ce rien d’ambition de la vie naturelle
Qui grandit dans l’été comme un été plus fort

Ils joignaient dans leur cœur l’espoir du temps qui vient
Et qui salue même de loin un autre temps
A des amours plus obstinées que le désert

Un tout petit peu de sommeil
Les rendait au soleil futur
Ils duraient ils savaient que vivre perpétue

Et leurs besoins obscurs engendraient la clarté
                       
                        *
                       
Ils n’étaient que quelques-uns
Ils furent foule soudain

Ceci est de tous les temps.

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Albert de Mun, Conclusion du discours prononcé le 17 décembre 1905 (après le vote de la loi le 9 décembre) au banquet de clôture du congrès de l'Action libérale populaire (ALP).

« Soldat vaincu d’une cause invincible, je ne puis vous apporter que les restes d’une force usée par de longs combats mais que suffit à ranimer le spectacle de votre courageuse ardeur. Témoin plein d’une frémissante émotion, je me suis tenu près de votre berceau : spectateur trop souvent impuissant, j’ai assisté aux progrès de votre jeunesse : et ces souvenirs et cette impuissance elle-même me donnent aujourd’hui le droit de saluer librement l’épanouissement de votre maturité.
« Vous êtes forts, Messieurs, forts de votre droit et de votre abnégation : condamnés, malgré vous, après tant de sacrifices offerts pour la conjurer, à une guerre impie, vous rallierez à votre cause tous ceux qu’émeuvent encore les grands noms de la justice et de la liberté.
« Vous êtes forts de votre patriotisme : à la veille peut-être des grandes épreuves nationales, vous verrez se tourner vers vous, comme, au matin du combat, le gros de l’armée vers une troupe d’élite, tous ceux qui se souviennent des jours douloureux où, sans souci des mains qui tenaient le drapeau, vos aînés, d’un seul élan, se serraient autour de lui.
« Vous êtes forts enfin, vous êtes forts surtout de votre dévouement à la cause populaire ; le peuple, le vrai peuple de France, vous voyant à l’œuvre, apprend de jour en jour à vous connaître davantage. (…)
« Et vous, Messieurs, par un admirable échange, en le servant, vous apprenez à l’aimer davantage. Vous avez connu, dans les luttes civiles, que c’est là, c’est dans le cœur des petits et des humbles, que jaillit la source inépuisable des sacrifices généreux et des inlassables dévouements. C’est là qu’est votre force. C’est là qu’est pour demain la suprême espérance vers laquelle, aujourd’hui, avec le dernier effort de ma voix, je veux jeter le dernier cri de mon âme. »

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Le dernier gîte
Je te reviens, ô paroisse natale.
Patrie intime où mon cœur est resté ;
Avant d’entrer dans la nuit glaciale,
Je viens frapper à ton seuil enchanté.
Pays d’amour, en vain j’ai fait la route
Pour saluer encore ton ciel bleu,
Mon œil se mouille et ma chair tremble toute,
Je viens te dire un éternel adieu.
Oh ! couchez-moi dans la tombe bénite,
Dans un recoin discret du vieil enclos.
Ici, je viens chercher mon dernier gîte,
Je viens ici chercher calme et repos.
Ô terre sainte ! ouvre-moi ton asile,
Près des miens, jusqu’au jour du grand réveil,
Je dormirai comme en un lit tranquille,
Mon dernier rêve et mon dernier sommeil.

Nérée Beauchemin, Les floraisons matutinales (1897)

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Victor Hugo, Choses vues, « La famille est le cristal de la société » (octobre 1830)

Toute doctrine sociale qui cherche à détruire la famille est mauvaise et, qui plus est, inapplicable. Sauf à se recomposer plus tard, la société est soluble, la famille non. C'est qu'il n'entre dans la composition de la famille que des lois naturelles ; la société, elle, est soluble par tout l'alliage de lois factices, artificielles, transitoires, expédientes, contingentes, accidentelles, qui se mêle à sa constitution. Il peut souvent être utile, être nécessaire, être bon de dissoudre une société quand elle est mauvaise ou trop vieille, ou mal venue. Il n'est jamais utile, ni nécessaire, ni bon, de mettre en poussière la famille. Quand vous décomposez une société, ce que vous trouvez pour dernier résidu, ce n'est pas l'individu, c'est la famille. La famille est le cristal de la société.